la démocratie repose sur le respect de la liberté de tous, qui implique que chacun se soumette aux modes d’une vie commune afin d’éviter de porter atteinte à la liberté que chacun exerce dans sa sphère privée. C’est ce qu’on appelle la laïcité. Or, il n’est guère possible d’envisager une démocratie sans laïcité.
vendredi 25 mars 2011
Lhouarri Addi : l’intellect piégé par la tribu.par Onelas
Cette modeste réponse est destinée à monsieur Lhouarri Adi qui proposait, ou presque exigeait, dans certaines manchettes, francophones du reste, que l’on doit transcrire tamazight non pas en caractères latins, ou même en Tifinagh mais en caractères arabes.
Lhouarri Addi. Une frimousse sympathique, un début de calvitie ou la tentation d’un regard intellectuel que le statut de sociologue, de surcroit dans une université française (excusez du peu), suffit à hisser au rang d’intellectuel légitimé. Je m’explique : le bonhomme nous dit que le retour à la philosophie nous est inéluctable, à Kant surtout, car, les Spinoza, Nietzche, Descartes, Derrida et consorts ne doivent pas faire partie du lot. Pourquoi Kant spécifiquement? C’est simple, le sociologue ne peut se délester de tout le capital culturel et symbolique, dirait Bourdieu, qui en a fait le Addi tenté par la métaphysique que l’on connaît. Savez-vous, Kant est la référence philosophique de toutes les politiques qui puisent dans la religion une façon de regarder le monde. Du reste, d’aucuns plaident pour l’idée que le nazisme a puisé un tantinet dans le Kantisme.
Notre sociologue ne cesse jamais de brandir ses opinions, de se situer dans une théorie d’engagement, à la Sartre ou à la Bourdieu, de nous donner l’impression qu’il n’a cure des torrents qui charrient les convictions des hommes. Il nous parle d’un système algérien vermoulu qu’il faudrait vite refonder, d’un système éducatif qu’il faudrait remodeler, de généraux qui bradent les richesses du pays; bref, tout ce que l’on connaît et qui du reste ne dérange aucunement les gens du sérail. Un BHL que l’on dit philosophe des causes faciles, un BHL algérien… Et encore! BHL dérange de son engagement humaniste.
La preuve me diriez-vous! Eh bien, qu’est-ce que nous dit monsieur Lhouarri Addi sur la transcription de Tamazight? Où en est-il de cette clairvoyance propre aux intellectuels qui savent se distinguer du lot quand il s’agit de ne pas moutonner derrière les ouailles, le troupeau, le politiquement correct, le communément admis. En quoi une telle position est-elle singulière? Est-ce de ces raisonnements, que l’on a à la pelle d’ailleurs, que l’on a besoin? La quasi-majorité des arabophones algériens ne veulent rien savoir d’une autre transcription qui ne soit pas arabe. C’est la position du feu Tahar Ouettar qui considérait un Djaout, l’un des rares intellectuels algériens qui n’ont pas la langue dans la poche quand il s’agit de commettre une pensée, une perte pour la France. C’est pareillement la position d’un Athmane Saadi, chantre intrépide d’une arabisation totale et totalitaire, suis-je tenté de dire, qui, parait-il, a accueilli la révélation divine qu’il faille démonter la statut de la Kahina (Dihia), la femme païenne qui combattit les lumières de l’islam, plantée à Khenchla à la barbe d’un pays qui mange et respire goulûment le dogme. C’est la même position qu’un journal comme El Chourouk qui n’a jamais considéré les vrais fondateurs de la littérature algérienne, parce que francophones (Feraoun, Dib, Kateb, Mammeri, Amirouche…), comme algériens à part entière. C’est la même position qu’un Abou Djerra Soltani avec ses théories à deux neurones propres à atteindre tout ce qui survit de pire en l’homme, c’est enfin la même position qu’un état voyou engagé dans un processus d’idéologisation de tout ce qui bouge en Algérie. Un partage équitable de l’espace public, à moi le denier, dit-il aux islamistes, à toi l’espace pour flanquer la populace des ces œillères qui ne font voir aux baudets que la carotte.
Oui, faut-il s’en leurrer, que se cache-t-il en vrai derrière l’insistance Addienne et acolytes? Élaguer le tantinet de diversité qui brave l’unicité et les constantes érigées dogmes irréfragables, indépassables, intouchables, comme l’idée qu’Okba est venu brandissant œillets et arborant sourires. Ou comme cette autre idée saugrenue que notre révolution, aussi grande était-elle, était immaculée et a tout bonnement opposé les bons aux méchants. Ou encore cette dernière trouvaille qui nous dit qu’Amirouche était islamiste et que les Oulémas, bien qu’impassibles assimilationnistes, ont constitué le premier fil de liberté à oser pénétrer dans le chas de la révolution.
Une question : avez-vous réfléchi à votre trouvaille qui, dites-vous, est évidence, car allant de l’unité du pays (J’ai bien aimé la réplique d’Arezki Metref, l’un des rares intellectuels algériens qui osent encore brandir l’index de l’interrogation et qui ne végète pas dans les pâturages grillagés par le pouvoir en place). Croyez-vous sérieusement que, moi en tant que berbère, Kabyle de surcroit (car, faut-il le rappeler, sans la Kabylie je ne pense pas qu’on en parlerait aujourd’hui, en tout cas pas autant), j’ai le droit d’émettre une opinion aussi intransigeante sur le choix de la transcription du breton en France ou d’une langue autochtone en Amazonie, ou même de la transcription de la langue arabe en Algérie ? Je ne serais pas honnête intellectuellement. Je ne suis ni un breton ni un autochtone d’Amazonie ni un arabe d’Algérie. ça va de soi, j’aurais été fier si je n’étais pas ce que je suis, à savoir berbère qui se revendique pleinement et qui ne pense pas que l’histoire d’Algérie commence avec Okba. Vous pouvez me dire que justement la question chez eux ne se pose pas ou ne se pose plus. Je vous dirai je n’en ai cure, le problème est leur. Je vous dirai que la langue est un bien précieux, un sentiment qui fortifie, solidifie, rehausse mon appartenance, un olivier qui bruît à mon oreille, une amphore qui me renvoie jusque dans la fontaine de mon moi, une maisonnée qu’arpente une singulière histoire, une moisson qui édifie une harmonie, une mélodie qui respire une mémoire, un héritage qui me sied de transmettre à mes enfants comme il me semble. C’est dire qu’il n’appartient point à un quelconque prédicateur ou idéologue, à fortiori quand il ne parle pas ma langue ni n’en connaît les tenants et aboutissants ni, encore moins, n’en a jamais versé ni une larme ni n’en a émis une opinion osée, ou a tout le moins compatissante, quand les miens tombaient sous les balles assassines des caudataires de la négation.
Dites-moi qu’est-ce que vous avez épandu comme papiers de par les tribunes quand Mammeri, rare intellectuel algérien qui a choisi l’histoire au lieu d’une factice et conditionnée gloire, commettait son poème de Si Mohand Ou Mhand dans une université algérienne? le poème qui allait donner prétexte à une hécatombe sans précédent pour le simple fait que des hommes et des femmes avaient osé dire qu’il est une Algérie qui peut être autre chose qu’exclusivement arabe. Racontez-moi votre position quand 170 jeunes algériens kabyles (2001), un printemps durant, se faisaient canarder de par les venelles comme des lapereaux qui ravagent l’immense plantation de l’asservissement, sans que ça daigne fomenter n’était-ce qu’une discussion dans le parlement du viol qui aujourd’hui presse le président à intervenir dans l’affaire d’Aghrib et s’empresse lui-même à constituer une délégation parlementaire pour, nous ressasse-t-on, éteindre le feu de la fitna avant qu’il ne prenne, alors qu’il n’en est rien, puisque le but est d’asséner le coup fatal à ces rares velléités qui bravent le salafisme rompant à qui ne manque dans l’échiquier que la pièce kabyle. Tout le monde s’ingénie aujourd’hui à nous prodiguer la leçon du que faire de notre langue, alors que juste hier, même des enseignants universitaires, d’impavides défenseurs d’idées universelles, universalistes et universalisantes, juraient saints et dieu sait quoi qu’il n’a jamais été question d’une langue, bien mieux, ou pire (c’est selon) que nous n’avons jamais été des amazighs ni n’avons-nous eu une quelque histoire digne de noircir un quelque blanc dans un manuel pour mioches. Je me trompe! Il nous est encore interdit dans quelques patelins d’appeler nos enfants de quelques noms qui respirent trop une certaine idée de l’Afrique du nord. Vous me direz, mais quelle arrogance, bien des gens, du reste aussi berbères que nous, consentent à transcrire en arabe ma langue. Je vous rétorquerai que si vous étiez, vous, sociologue enseignant dans une université de prestige, pour la transcription en arabe, je ne crois pas que c’est à une appartenance lointaine totalement émergé dans la culture uniciste et uniformisante qui n’arrive même pas à désacraliser la langue pour en faire juste un outil de communication de décider du sort d’une langue pour laquelle des milliers de mamans ont souffert la perte d’un fils tombé dans un champ où tombent d’honneur ceux qui osent rêver et penser un horizon meilleur.
Je vous rassure, un argument de cette engeance ne vaut pas un rond. Car, je crains que vous ne puissiez pas puiser dans votre sociologie pour nous convaincre, la chose étant pour vous ce que l’hébreu pour moi. Du reste, Bouteflika en a eu l’idée bien avant : un référendum. Voyez-vous la connerie! Décider à je ne sais quelle wilaya si ma mère est berbère ou pas. Comme si l’on demandait aux islamistes ce qu’ils pensaient de l’égalité hommes femmes ou à moi sur la transcription idoine pour l’Arabie Saoudite! Quel lien y en a-t-il? Nul n’a le droit de penser le pays d’un autre, si vous voyez où je veux en venir. Car, le berbère est mon pays, ma patrie linguistique, dois-je le spécifier avant d’offenser les Constantistes. Un turc dirait sans doute la même chose s’il venait à discuter avec un perse. Dieu est pour tous, mais pour chacun son pays, pour chacun son pays linguistique. Tu as choisi l’arabe pour transcrire ta langue (le perse), j’ai choisi le latin pour la mienne. D’ailleurs, bizarre, je me demande si la latinisation linguistique turque ainsi que sa laïcisation pour l’espace public n’est pas pour quelque chose dans cette quasi-sanctification de la Turquie d’Erdogan d’aujourd’hui par les islamistes. Je ne crois pas que les islamistes rêvent de fouler le pas en Iran. En tout cas pas autant qu’à Ankara ou à Istanbul. Les crinières aux vents, les froufrous, les chevelures qui ondoient… Et si l’on émettait l’hypothèse, juste l’hypothèse, que le choix de la transcription dans les deux pays est pour l’enfoncement civilisationnel de l’un et l’émergence de l’autre. Une autre hypothèse : si Erdogan réussissait à rendre caduque l’influence de l’armée dans la protection de la laïcité turque, pour sûr, qu’il arabiserait, uniformiserait au nom de dieu et, apothéose, réinstaurerait le califat. Une question en découle pour les islamistes : croyez-vous que la Turquie est belle à cause d’Erdogan ou bien qu’Erdogan vous parait beau grâce à la Turquie? Dois-je m’expliquer sur le lien encore. Je vais tenter.
Primo, nos imminents linguistes, ceux qui avaient milité, enduré, avaient payé cher de leur personne, et non pas ceux qui sont venus cueillir le fruit mûr, accourir pour réserver les salons où ils craneront une histoire épique digne des contes de fées et ensuite caqueter à tout va que Thamazight est presque une branche de l’arabe, ont décidé de la transcription. Ou même s’ils tergiversent encore, je ne crois pas qu’il appartient à quiconque de psalmodier ses sourates quant à ce qui nous regarde. Secundo, quel est cet écervelé qui n’a pas encore compris que cette propagande est nourri par un islamisme rétrograde et anachronique qui veut dicter sa loi linguistique sacro-sainte exactement comme il a dicté ses merveilles lyriques (!) sur l’ultime servilité qui nous rehausse : la théocratie.
Lhouarri Addi, n’est pas un islamiste, loin s’en faut, du reste, avec un peu de recul, je lui reconnais quelques positions dignes, mais, la transcription de Tamazight en arabe, est-elle dénuée de tout penchant idéologique? À savoir qu’il est un arabophone qui a opté pour une position facile. Une position puisée dans son référent culturel initiatique qui empêche d’objectiver un regard. À croire que si l’on transcrivait tamazight en latin, on se situerait ipso facto dans une position qui légitime que l’autre décoche ses flèches pour nous designer suprême ennemi. Parce que la question, la vraie, la vérité, celle, disait Hugo, qui fait tout voir mais ne se laisse pas regarder, c’est cette incapacité endémique à considérer les lettres latines en dehors de cette langue d’ennemi colonisatrice et aliénatrice. Pour beaucoup, transcrire en latin c’est transcrire en français. La peur de se dissoudre, la peur d’avoir une langue concurrente au lieu de s’en réjouir, la peur d’arrêter de sortir des schèmes que les idéologues tracent au cordeau, la peur d’un jour qui respirerait un autre air. Quelle situation anecdotique! Hier, ils étaient tous contre Tamazight langue, aujourd’hui non seulement ils sont pour, mais, mieux, ils s’empressent à nous en dessiner les contours institutionnels et constitutionnels. Même les partis au pouvoir, les islamistes, les négateurs de tout acabit en font désormais leur cheval de Troie…
Et si l’on émettait une dernière hypothèse : on veut arabiser parce que c’est le chemin le plus facile pour islamiser. Non, je ne dis aucunement qu’arabe égal islamisme, car, si cette magnifique langue est jadis la langue de Abou El Alla El Maari, d’Averroès, d’Avicenne, d’Ibn Khaldoun, d’Ibn Arabi, d’El Jahiz, de Omar Khayyâm ou même d’Adonis aujourd’hui ou de Ahlam Moustaghanemi, eh bien, en Algérie, aujourd’hui, elle est celle d’Abou Jerra, de Chibane et de tous ces salafistes qui ont juré d’annihiler toute brise qui ne conflue pas dans l’océan empuanti de leur déraison.
Je conclus enfin : écrire le Tamazight dans l’alphabet arabe c’est le pousser à se suicider à petit feu. J’ai lu quelque part que le Kabyle est appelé à disparaître dans une cinquantaine d’années, dans un siècle tout au plus. Tragique comme est la tragédie de la civilisation touarègue que la citadinisation pousse aux derniers retranchements. L’école, l’hôpital, le marché, c’est ceux-là les rets tendus aux coureurs du vent. L’alphabet arabe multiplierait par cent le processus d’effacement. Autant dire que cinquante ans de plus seraient un rêve. Un rêve irréalisable.
Onelas
mercredi 23 mars 2011
Hakim Laâlam
Les gentils exilés qui prennent de gentilles Zinitiatives
Par Hakim Laâlam
Email : laalamh@yahoo.fr
Je rappelle qu’en marge du Salon de l’automobile d’Alger, un
autre salon, celui du bricolage, bat son plein aux…
… Zae !
Non ! Wallah, juré promis que je ne vais pas vous la jouer «l’armée de l’intérieur contre l’armée de l’extérieur». Les choses sont bien évidemment plus compliquées que cela. Sûrement plus compliquées que la simple vision manichéenne d’un clown chroniqueur relégué en page 24 d’un quotidien, fût-il prestigieux. Il ne s’agit donc pas de tomber dans le raccourci qui consisterait à railler la résurrection miraculeuse, ces dernières heures, de compatriotes, «acteurs politiques, universitaires, médias» que je croyais très sincèrement morts, ensevelis sous des tonnes de terre qu’ils ont eux-mêmes mises entre leur pays et les contrées plus ou moins lointaines où ils ont échoué. Je remarque juste, à partir de ma tanière, de mon petit théâtre de guignols, que d’autres acteurs politiques, natifs de révolutions voisines, ont joint le geste à la parole. Je n’ai pas la berlue et pense avoir, comme vous tous, vu et bien vu les Tunisiens Moncef Merzougui et Rached Ghannouchi regagner Tunis. Tout comme j’ai vu débarquer à l’aéroport du Caire Mohamed Al Baradei. Ces acteurs-là ont accompli le geste suivant : le matin, au réveil, ils se sont douchés, ils ont pris leur petit-déjeuner en France, en Autriche ou ailleurs dans le monde. Ensuite, méthodiquement, ils ont empli une valise d’effets personnels divers, comme du change, une brosse à dents, un after-shave ou un déo, se sont dirigés vers un aéroport et y ont embarqué pour leur pays. Une fois sur place, ils ont intégré une dynamique, chacun à sa manière. Critiquable ou pas, ce n’est pas le sujet ici, aujourd’hui. Le fait étant là. Ils sont rentrés. Je dis ça, parce que je ne vois pas les arrivées de l’aéroport international d’Alger ou d’un quelconque autre aérodrome du pays encombrées par les débarquements en masse de nos gentils exilés auteurs de gentilles Zinitiatives. Pourtant, ça serait tellement bien s’ils venaient, s’ils rentraient. C’est chez eux ici ! C’est chez vous ! D’accord, vous avez quitté le pays sous la contrainte, parce que menacés dans votre vie, sûrement plus menacés que nous. Nous les vieilles peaux de rhinocéros trop dures, pas assez sensibles pour prendre conscience du danger et ayant commis l’acte irraisonnablement inconscient d’être restés ici. Non ! Maintenant, tout va bien en Algérie. Grâce à la concorde. Grâce à la réconciliation. Que vous appeliez d’ailleurs de tous vos vœux. Eh ben, c’est fait ! Nous sommes tous frères sous le soleil d’Algérie. Ne manquent plus que vous. Nous vous attendons ! Et puis, c’est tellement plus pratique de vous avoir en face de nous, à portée d’haleine, pour que vous nous expliquiez de vive voix vos gentilles Zinitiatives, que vous nous éclairiez de vos réflexions et autres contributions jusque-là envoyées par poste, par mail ou par fax. La technologie, c’est bien, mais la communication directe, c’est tellement mieux. Allez ! Revenez ! Wallah que vous nous avez manqué ! T’wahech’nakoum ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.
La laicite (sans la nommée) Par Noureddine Boukrouh
Par Noureddine Boukrouh
Au début des années 1990, les Algériens s’enorgueillissaient d’être les pionniers de la démocratie dans le monde arabe parce qu’ils ont été les premiers à se soulever en laissant cinq cents morts par terre sur le coup et plusieurs centaines de milliers d’autres par la suite.
Aujourd’hui, je me demande si nous n’avons pas retardé de vingt ans le soulèvement des peuples arabes, comme je me demande si la vague de révolutions qui déferle actuellement sur le monde arabe se serait déclenchée si les évènements, au lieu de commencer en Tunisie et de se dérouler de la manière qu’on a vue, avaient eu pour point de départ la Libye. Je crois que Ben Ali et Moubarak seraient encore dans leurs palais, et que le prix de l’huile n’aurait pas baissé chez nous. Car qui aurait voulu voir dans son pays ce que nous sommes en train de voir en Libye : effondrement de l’Etat, division du pays, Kadhafi rééditant, en la décuplant, Guernica, intervention militaire étrangère… Le résultat de tous ces malheurs sera le retour de ce pays frère au néolithique. Lorsque le président Chadli instaura le multipartisme, Ben Ali, Moubarak, Gueddafi, et peut-être d’autres aussi, le désapprouvèrent et le mirent en garde contre les conséquences de l’introduction dans le jeu politique légal de partis islamistes ; le roi du Maroc, lui, trouvait bon que l’Algérie «serve de laboratoire». Et quand le terrorisme s’installa, commettant des exactions qui ont horrifié l’humanité, il leur était loisible de montrer du doigt à leurs peuples les dangers de la démocratie à l’occidentale. On leur sût gré ici et là de leur clairvoyance, et ces despotes purent se consacrer tranquillement à la rapine et à la préparation de la transmission du pouvoir à leurs proches. Voilà pourquoi cinq cents Bouazizi algériens n’ont pas réussi là où un seul Bouazizi tunisien a suffi : soulever cent cinquante millions d’Arabes et abattre en quelques semaines quelques-uns des dictateurs qui sont restés le plus longtemps à la tête des «républiques», en attendant le reste, car la mèche court dans toutes les directions. Nous pouvons donc affirmer que, dans une certaine mesure, c’est sur notre malheureuse expérience que les tyrans arabes, ceux-là et d’autres, ont assis la pérennité de leurs régimes au moment où les pays de l’Est se débarrassaient du totalitarisme communiste, et l’Amérique latine de la dictature militaire. L’Algérie avait fourni la preuve que des élections démocratiques dans le monde arabo-musulman débouchaient fatalement sur la victoire des islamistes. La théocratie iranienne, le spectacle donné par les taliban, les attentats commis par Al- Qaïda à travers le monde, la création de l’«émirat de Ghaza», etc., s’ajouteront les uns aux autres comme contre-modèles pour faire le reste. Ils achèveront de dissuader les peuples arabes de tenter l’aventure démocratique, un régime despotique étant préférable au déchaînement de barbarie qu’ils ont vu en Algérie et en Afghanistan. Cela devint même le sentiment prégnant chez nous. Parallèlement, l’islamisme avait pris pied en Occident et, mettant à profit le libéralisme des lois des pays d’accueil, entreprit de s’appliquer le «droit à la différence». Le commerce halal, l’érection de minarets, le port de la burqa après le hidjab, etc. firent leur intrusion dans le paysage sociologique de l’Europe. Ces signes ostentatoires prirent le caractère de messages politiques provocateurs et finirent par exaspérer les Européens qui, redoutant une «islamisation rampante » de leurs sociétés, furent de plus en plus nombreux à développer des sentiments islamophobes, incitant leurs gouvernements à devenir plus circonspects à l’égard d’une démocratisation des sociétés arabes qui livrerait le pouvoir au fanatisme et à l’extrémisme. Ces gouvernements trouvaient également un autre intérêt dans l’affaire : il est en effet plus aisé de traiter avec des hommes dont on sait la fragilité et connait les numéros de comptes bancaires, qu’avec des parlements soumis à la souveraineté de leurs peuples. L’Algérie n’a cependant pas été qu’un contre-exemple. L’islamisme algérien, son discours nihiliste et ses dérives terroristes, et à la fin son rejet par la population, ont donné à réfléchir aux mouvements islamistes dans le monde arabe, et les a amenés à adapter leurs prétentions aux réalités intérieures et extérieures. Ce doit être la combinaison de l’exemple négatif illustré par le FIS algérien et de l’exemple positif incarné par l’AKP d’Erdogan en Turquie qui ont prédisposé En-Nahda en Tunisie et les «Frères musulmans» en Égypte à adopter un profil bas dans la situation actuelle, mettant en avant dans leur langage les notions d’Etat de droit, de société civile, de démocratie, de libertés publiques, et évitant toute référence à l’Etat islamique. Apparemment, Mawdudi et Sayyed Qotb ne sont plus de mise. Si c’est cela l’islamisme, alors il n’y a pas de quoi fouetter la queue d’un chat. A leur point de départ, dans leur phase épique, lorsque les foules rivalisent d’héroïsme et d’ingéniosité pour arracher leur liberté, toutes les révolutions paraissent belles, idéales, et on voit volontiers en elles quelque chose d’immanent. L’Histoire nous a appris cependant à craindre les lendemains de révolution. Après la phase épique de la révolution de 1789, la France a connu le Directoire, puis le Consulat, puis l’Empire, puis la restauration de la monarchie, puis le Second Empire et enfin, en 1870, la proclamation définitive de la République. De même, la révolution russe a été accaparée par un parti minoritaire, le parti communiste bolchévik, qui en a fait une dictature qui a recouvert de son ombre la moitié de l’humanité pendant trois-quarts de siècle avant de s’effondrer avec le mur de Berlin. La révolution en Tunisie et en Égypte est en train de sortir de la phase épique pour rentrer dans la phase technique, celle de la mise en place des nouvelles institutions. A la différence de la révolution française qui n’avait pas de modèle à suivre, sinon dans l’Antiquité romaine, et devait donc innover, ou de la révolution russe qui voulait réaliser une utopie à partir du canevas marxiste, les changements en Tunisie et en Égypte se déroulent dans un cadre constitutionnel préexistant. Au besoin, les intéressés ont autour d’eux une palette de modèles d’organisation démocratique dont ils pourront s’inspirer. Du dénouement dans les prochains mois de ce qui se passe dans ces pays dépendent énormément de choses qui ont à voir avec notre propre destin. Le monde arabe est aujourd’hui au premier plan de la scène médiatique internationale et au centre de la politique mondiale. C’est la première fois que la planète a vu des Arabes sortir dans la rue par centaines de milliers pour autre chose que pleurer la mort d’un «zaïm» ou d’une diva, ou vouer aux gémonies un écrivain «satanique». Ils sont devenus l’objet d’une admiration quasi universelle parce qu’ils ont enfin rejoint le «monde libre». Mais dans les sphères dirigeantes internationales, on attend avec une certaine appréhension ce qui va sortir dans les prochains mois de cet imbroglio, et épie les gestes des différents protagonistes, surtout les représentants du courant islamiste. L’Occident, jugeant qu’il a déjà assez à faire avec l’Iran et l’Afghanistan pour s’embarrasser de régimes du même acabit, se tient le ventre en se demandant ce que sera le poids électoral des islamistes dans les scrutins à venir, sachant qu’il en découlera des conséquences sur les monarchies pétrolières et sur ses intérêts dans la région, sans parler d’Israël. Depuis les précédents iranien, algérien et palestinien, la conviction s’est enracinée partout que le principal risque avec l’instauration de la démocratie dans le monde arabe c’est l’arrivée au pouvoir de l’islamisme. Tout le monde sait qu’il est là, diffus dans la société, tapi dans les mosquées ou des lieux de réunion plus discrets. Les islamistes étaient parmi les manifestants en Tunisie, en Égypte, au Yémen, en Libye, en Jordanie, à Bahreïn, au Maroc, en Syrie, même s’il était impossible d’évaluer leur nombre. Mais on n’a pas entendu de dissonances venant d’eux ; ils étaient dans la partition, ne se singularisant par aucun sectarisme. Mieux encore, les «Frères musulmans» et «En- Nahda» se sont engagés à jouer le jeu à visage découvert et à l’intérieur de l’Etat républicain. Bon nombre de signes indiquent que ce risque peut être déclassé et ne plus être considéré comme majeur. A l’époque où les «Frères musulmans» étaient au zénith de leur rayonnement, la société égyptienne était largement rurale et analphabète, de même que les autres contrées arabes. Le monde arabe, partagé entre monarchies et régimes «révolutionnaires » et plongé dans la guerre froide à cause de la question palestinienne, était traversé par des idéologies qui ont toutes fait faillite face au défi sioniste. L’avènement de la révolution iranienne, le «djihad» contre l’Union soviétique en Afghanistan et contre Israël en Palestine et au Liban, puis la chute de l’empire russe, furent mis à l’actif des idées islamistes. Cellesci purent alors se présenter comme une alternative à l’ancien monde bipolaire et aux gouvernements séculiers, et leur bras armé, le terrorisme, apparût en Égypte, avec les «Gamaât islamiya», en Algérie avec les GIA, et sur la scène internationale avec Al-Qaïda. Sur fond d’échecs militaires répétés (guerres israéloarabes), les islamistes apparaissaient comme des héros car pendant que les peuples, victimes résignées, ployaient sous le despotisme, eux s’étaient soulevés, avaient pris les armes et accepté de mourir pour la «cause de Dieu». Mais depuis l’entrée massive des peuples sur la scène politique de leurs pays, les thèses et les figures islamistes se sont brusquement dépréciées, comme les actions dans une bourse secouée par une crise. Ben Laden, Zawahiri, Ali Benhadj, etc. n’évoquent plus des Robin des bois musulmans. Les révoltés n’ont pas clamé leurs noms, ni brandi leurs portraits. Ils sont passés à la trappe de l’Histoire en même temps qu’était jeté dans ses poubelles le souvenir des despotes. Le temps de l’islamisme pur et dur est passé. Les jeunesses porteuses de l’aspiration à une vie démocratique moderne ne se laisseront pas voler leur révolution car elles sont politisées, cultivées, informées, vigilantes. On en a eu un aperçu à travers la façon dont elles ont dicté en Tunisie et en Égypte leur feuille de route aux autorités en charge de la transition : renvoi des gouvernements laissés par les despotes, dissolution du parti «officiel» et restitution de ses biens au domaine public, démantèlement de la police politique, élection d’une Assemblée constituante, élections législatives et présidentielles… Le monde arabo-musulman est à un important tournant de son histoire. La Nahdaratée au siècle dernier est peut-être en train de se réaliser sous la direction des peuples. Ceux-ci ont pris en main leur destin, ils ont retrouvé la parole, ils n’ont sombré ni dans l’anarchie, ni dans la destruction aveugle, ni dans l’islamisme, ni dans le tribalisme. Au contraire, ils ont révélé de très hautes capacités de discernement et d’analyse. Jusqu’ici, aucune chose, aucune personne, n’est arrivée à les distraire de leurs objectifs. Ils parviendront à leurs buts s’ils continuent à regarder en avant, s’ils tirent les leçons du passé récent et lointain, s’ils gardent le cap sur les valeurs universelles de liberté, de progrès et de tolérance. C’est le moment de trancher tous les nœuds, de faire face notamment au problème de l’instrumentalisation de la religion. L’Égypte et la Tunisie sont les mieux placées pour innover en la matière et assumer le rôle de pionniers. Le politique et le religieux doivent être séparés comme le préconisaient des oulamas comme Abderrahmane al-Kawakibi et Ali Abderrazik au siècle dernier. L’Égypte compte dans sa population dix millions de Coptes. Les scènes de fraternisation entre Musulmans et Coptes sur la place Tahrir, auxquelles le monde a assisté médusé dans la phase épique de la révolution, lui ont donné une idée de ce que pourrait devenir l’Égypte demain. Si Al-Azhar et le chef de l’Eglise copte sont restés fidèles à Moubarak jusqu’au dernier moment, les fidèles des deux cultes ont affronté ensemble les forces de l’ordre, et c’est ensemble qu’ils ont remporté la victoire. On a vu le croissant et la croix avoisiner sur les pancartes, et musulmans et chrétiens célébrer côte à côte la messe et la prière du vendredi. Leurs prières montaient vers le même ciel, portant les mêmes prières, pour le salut de la même Égypte. La nouvelle constitution égyptienne et les nouvelles institutions devront refléter la réconciliation des deux communautés dans le sang mêlé durant le combat pour la liberté. La liberté des coptes, dans tous les domaines, devra être aussi totale que celle de leurs compatriotes musulmans. On ne va pas à la démocratie avec des relents de théocratie ou un prosélytisme guerrier. C’est le moment de retirer du pied du monde arabo-musulman une épine qui le gêne depuis longtemps. Les idées cheminent lentement, mais elles finissent par arriver à leur destination. Elles deviennent alors des paradigmes, des archétypes, des sources d’inspiration pour les autres, ceux qui, à travers le monde arabo-musulman, ont passionnément suivi les évènements et se sont instruits des différentes manières de se libérer du despotisme. Ce que les Algériens ont vu et ressenti déclenchera forcément en eux une réflexion sur leur propre situation. Sans parler de «l’effet papillon» et des surprises qu’il peut réserver à tout moment. Ces dernières revêtent toujours la forme la plus inattendue, comme le «plombier» qui a fait tomber Nixon ou la gifle donnée par une policière à un marchand ambulant dans un coin perdu du Maghreb. Que n’auraient fait ou donné Ben Ali, Moubarak et Kadhafi pour éviter leur sort actuel, eux qui savent désormais qu’ils finiront leur vie soit en prison, soit au bout d’une corde, leurs familles détruites et les dizaines de milliards de dollars volés partis en fumée ? Quoiqu’il en soit, le nouveau visage du monde arabe est en train de se dessiner touche après touche, au fur et à mesure que la révolution démocratique abat les bastions du despotisme. Ce qui réussit tend à devenir un modèle. Nous ne connaissons pas encore ce nouveau visage, il ne s’est pas encore affiché sur nos écrans, mais il n’est pas exagéré de dire que c’est le sort du monde entier qui est suspendu à cette affaire Bouazizi.
N. B.
Au début des années 1990, les Algériens s’enorgueillissaient d’être les pionniers de la démocratie dans le monde arabe parce qu’ils ont été les premiers à se soulever en laissant cinq cents morts par terre sur le coup et plusieurs centaines de milliers d’autres par la suite.
Aujourd’hui, je me demande si nous n’avons pas retardé de vingt ans le soulèvement des peuples arabes, comme je me demande si la vague de révolutions qui déferle actuellement sur le monde arabe se serait déclenchée si les évènements, au lieu de commencer en Tunisie et de se dérouler de la manière qu’on a vue, avaient eu pour point de départ la Libye. Je crois que Ben Ali et Moubarak seraient encore dans leurs palais, et que le prix de l’huile n’aurait pas baissé chez nous. Car qui aurait voulu voir dans son pays ce que nous sommes en train de voir en Libye : effondrement de l’Etat, division du pays, Kadhafi rééditant, en la décuplant, Guernica, intervention militaire étrangère… Le résultat de tous ces malheurs sera le retour de ce pays frère au néolithique. Lorsque le président Chadli instaura le multipartisme, Ben Ali, Moubarak, Gueddafi, et peut-être d’autres aussi, le désapprouvèrent et le mirent en garde contre les conséquences de l’introduction dans le jeu politique légal de partis islamistes ; le roi du Maroc, lui, trouvait bon que l’Algérie «serve de laboratoire». Et quand le terrorisme s’installa, commettant des exactions qui ont horrifié l’humanité, il leur était loisible de montrer du doigt à leurs peuples les dangers de la démocratie à l’occidentale. On leur sût gré ici et là de leur clairvoyance, et ces despotes purent se consacrer tranquillement à la rapine et à la préparation de la transmission du pouvoir à leurs proches. Voilà pourquoi cinq cents Bouazizi algériens n’ont pas réussi là où un seul Bouazizi tunisien a suffi : soulever cent cinquante millions d’Arabes et abattre en quelques semaines quelques-uns des dictateurs qui sont restés le plus longtemps à la tête des «républiques», en attendant le reste, car la mèche court dans toutes les directions. Nous pouvons donc affirmer que, dans une certaine mesure, c’est sur notre malheureuse expérience que les tyrans arabes, ceux-là et d’autres, ont assis la pérennité de leurs régimes au moment où les pays de l’Est se débarrassaient du totalitarisme communiste, et l’Amérique latine de la dictature militaire. L’Algérie avait fourni la preuve que des élections démocratiques dans le monde arabo-musulman débouchaient fatalement sur la victoire des islamistes. La théocratie iranienne, le spectacle donné par les taliban, les attentats commis par Al- Qaïda à travers le monde, la création de l’«émirat de Ghaza», etc., s’ajouteront les uns aux autres comme contre-modèles pour faire le reste. Ils achèveront de dissuader les peuples arabes de tenter l’aventure démocratique, un régime despotique étant préférable au déchaînement de barbarie qu’ils ont vu en Algérie et en Afghanistan. Cela devint même le sentiment prégnant chez nous. Parallèlement, l’islamisme avait pris pied en Occident et, mettant à profit le libéralisme des lois des pays d’accueil, entreprit de s’appliquer le «droit à la différence». Le commerce halal, l’érection de minarets, le port de la burqa après le hidjab, etc. firent leur intrusion dans le paysage sociologique de l’Europe. Ces signes ostentatoires prirent le caractère de messages politiques provocateurs et finirent par exaspérer les Européens qui, redoutant une «islamisation rampante » de leurs sociétés, furent de plus en plus nombreux à développer des sentiments islamophobes, incitant leurs gouvernements à devenir plus circonspects à l’égard d’une démocratisation des sociétés arabes qui livrerait le pouvoir au fanatisme et à l’extrémisme. Ces gouvernements trouvaient également un autre intérêt dans l’affaire : il est en effet plus aisé de traiter avec des hommes dont on sait la fragilité et connait les numéros de comptes bancaires, qu’avec des parlements soumis à la souveraineté de leurs peuples. L’Algérie n’a cependant pas été qu’un contre-exemple. L’islamisme algérien, son discours nihiliste et ses dérives terroristes, et à la fin son rejet par la population, ont donné à réfléchir aux mouvements islamistes dans le monde arabe, et les a amenés à adapter leurs prétentions aux réalités intérieures et extérieures. Ce doit être la combinaison de l’exemple négatif illustré par le FIS algérien et de l’exemple positif incarné par l’AKP d’Erdogan en Turquie qui ont prédisposé En-Nahda en Tunisie et les «Frères musulmans» en Égypte à adopter un profil bas dans la situation actuelle, mettant en avant dans leur langage les notions d’Etat de droit, de société civile, de démocratie, de libertés publiques, et évitant toute référence à l’Etat islamique. Apparemment, Mawdudi et Sayyed Qotb ne sont plus de mise. Si c’est cela l’islamisme, alors il n’y a pas de quoi fouetter la queue d’un chat. A leur point de départ, dans leur phase épique, lorsque les foules rivalisent d’héroïsme et d’ingéniosité pour arracher leur liberté, toutes les révolutions paraissent belles, idéales, et on voit volontiers en elles quelque chose d’immanent. L’Histoire nous a appris cependant à craindre les lendemains de révolution. Après la phase épique de la révolution de 1789, la France a connu le Directoire, puis le Consulat, puis l’Empire, puis la restauration de la monarchie, puis le Second Empire et enfin, en 1870, la proclamation définitive de la République. De même, la révolution russe a été accaparée par un parti minoritaire, le parti communiste bolchévik, qui en a fait une dictature qui a recouvert de son ombre la moitié de l’humanité pendant trois-quarts de siècle avant de s’effondrer avec le mur de Berlin. La révolution en Tunisie et en Égypte est en train de sortir de la phase épique pour rentrer dans la phase technique, celle de la mise en place des nouvelles institutions. A la différence de la révolution française qui n’avait pas de modèle à suivre, sinon dans l’Antiquité romaine, et devait donc innover, ou de la révolution russe qui voulait réaliser une utopie à partir du canevas marxiste, les changements en Tunisie et en Égypte se déroulent dans un cadre constitutionnel préexistant. Au besoin, les intéressés ont autour d’eux une palette de modèles d’organisation démocratique dont ils pourront s’inspirer. Du dénouement dans les prochains mois de ce qui se passe dans ces pays dépendent énormément de choses qui ont à voir avec notre propre destin. Le monde arabe est aujourd’hui au premier plan de la scène médiatique internationale et au centre de la politique mondiale. C’est la première fois que la planète a vu des Arabes sortir dans la rue par centaines de milliers pour autre chose que pleurer la mort d’un «zaïm» ou d’une diva, ou vouer aux gémonies un écrivain «satanique». Ils sont devenus l’objet d’une admiration quasi universelle parce qu’ils ont enfin rejoint le «monde libre». Mais dans les sphères dirigeantes internationales, on attend avec une certaine appréhension ce qui va sortir dans les prochains mois de cet imbroglio, et épie les gestes des différents protagonistes, surtout les représentants du courant islamiste. L’Occident, jugeant qu’il a déjà assez à faire avec l’Iran et l’Afghanistan pour s’embarrasser de régimes du même acabit, se tient le ventre en se demandant ce que sera le poids électoral des islamistes dans les scrutins à venir, sachant qu’il en découlera des conséquences sur les monarchies pétrolières et sur ses intérêts dans la région, sans parler d’Israël. Depuis les précédents iranien, algérien et palestinien, la conviction s’est enracinée partout que le principal risque avec l’instauration de la démocratie dans le monde arabe c’est l’arrivée au pouvoir de l’islamisme. Tout le monde sait qu’il est là, diffus dans la société, tapi dans les mosquées ou des lieux de réunion plus discrets. Les islamistes étaient parmi les manifestants en Tunisie, en Égypte, au Yémen, en Libye, en Jordanie, à Bahreïn, au Maroc, en Syrie, même s’il était impossible d’évaluer leur nombre. Mais on n’a pas entendu de dissonances venant d’eux ; ils étaient dans la partition, ne se singularisant par aucun sectarisme. Mieux encore, les «Frères musulmans» et «En- Nahda» se sont engagés à jouer le jeu à visage découvert et à l’intérieur de l’Etat républicain. Bon nombre de signes indiquent que ce risque peut être déclassé et ne plus être considéré comme majeur. A l’époque où les «Frères musulmans» étaient au zénith de leur rayonnement, la société égyptienne était largement rurale et analphabète, de même que les autres contrées arabes. Le monde arabe, partagé entre monarchies et régimes «révolutionnaires » et plongé dans la guerre froide à cause de la question palestinienne, était traversé par des idéologies qui ont toutes fait faillite face au défi sioniste. L’avènement de la révolution iranienne, le «djihad» contre l’Union soviétique en Afghanistan et contre Israël en Palestine et au Liban, puis la chute de l’empire russe, furent mis à l’actif des idées islamistes. Cellesci purent alors se présenter comme une alternative à l’ancien monde bipolaire et aux gouvernements séculiers, et leur bras armé, le terrorisme, apparût en Égypte, avec les «Gamaât islamiya», en Algérie avec les GIA, et sur la scène internationale avec Al-Qaïda. Sur fond d’échecs militaires répétés (guerres israéloarabes), les islamistes apparaissaient comme des héros car pendant que les peuples, victimes résignées, ployaient sous le despotisme, eux s’étaient soulevés, avaient pris les armes et accepté de mourir pour la «cause de Dieu». Mais depuis l’entrée massive des peuples sur la scène politique de leurs pays, les thèses et les figures islamistes se sont brusquement dépréciées, comme les actions dans une bourse secouée par une crise. Ben Laden, Zawahiri, Ali Benhadj, etc. n’évoquent plus des Robin des bois musulmans. Les révoltés n’ont pas clamé leurs noms, ni brandi leurs portraits. Ils sont passés à la trappe de l’Histoire en même temps qu’était jeté dans ses poubelles le souvenir des despotes. Le temps de l’islamisme pur et dur est passé. Les jeunesses porteuses de l’aspiration à une vie démocratique moderne ne se laisseront pas voler leur révolution car elles sont politisées, cultivées, informées, vigilantes. On en a eu un aperçu à travers la façon dont elles ont dicté en Tunisie et en Égypte leur feuille de route aux autorités en charge de la transition : renvoi des gouvernements laissés par les despotes, dissolution du parti «officiel» et restitution de ses biens au domaine public, démantèlement de la police politique, élection d’une Assemblée constituante, élections législatives et présidentielles… Le monde arabo-musulman est à un important tournant de son histoire. La Nahdaratée au siècle dernier est peut-être en train de se réaliser sous la direction des peuples. Ceux-ci ont pris en main leur destin, ils ont retrouvé la parole, ils n’ont sombré ni dans l’anarchie, ni dans la destruction aveugle, ni dans l’islamisme, ni dans le tribalisme. Au contraire, ils ont révélé de très hautes capacités de discernement et d’analyse. Jusqu’ici, aucune chose, aucune personne, n’est arrivée à les distraire de leurs objectifs. Ils parviendront à leurs buts s’ils continuent à regarder en avant, s’ils tirent les leçons du passé récent et lointain, s’ils gardent le cap sur les valeurs universelles de liberté, de progrès et de tolérance. C’est le moment de trancher tous les nœuds, de faire face notamment au problème de l’instrumentalisation de la religion. L’Égypte et la Tunisie sont les mieux placées pour innover en la matière et assumer le rôle de pionniers. Le politique et le religieux doivent être séparés comme le préconisaient des oulamas comme Abderrahmane al-Kawakibi et Ali Abderrazik au siècle dernier. L’Égypte compte dans sa population dix millions de Coptes. Les scènes de fraternisation entre Musulmans et Coptes sur la place Tahrir, auxquelles le monde a assisté médusé dans la phase épique de la révolution, lui ont donné une idée de ce que pourrait devenir l’Égypte demain. Si Al-Azhar et le chef de l’Eglise copte sont restés fidèles à Moubarak jusqu’au dernier moment, les fidèles des deux cultes ont affronté ensemble les forces de l’ordre, et c’est ensemble qu’ils ont remporté la victoire. On a vu le croissant et la croix avoisiner sur les pancartes, et musulmans et chrétiens célébrer côte à côte la messe et la prière du vendredi. Leurs prières montaient vers le même ciel, portant les mêmes prières, pour le salut de la même Égypte. La nouvelle constitution égyptienne et les nouvelles institutions devront refléter la réconciliation des deux communautés dans le sang mêlé durant le combat pour la liberté. La liberté des coptes, dans tous les domaines, devra être aussi totale que celle de leurs compatriotes musulmans. On ne va pas à la démocratie avec des relents de théocratie ou un prosélytisme guerrier. C’est le moment de retirer du pied du monde arabo-musulman une épine qui le gêne depuis longtemps. Les idées cheminent lentement, mais elles finissent par arriver à leur destination. Elles deviennent alors des paradigmes, des archétypes, des sources d’inspiration pour les autres, ceux qui, à travers le monde arabo-musulman, ont passionnément suivi les évènements et se sont instruits des différentes manières de se libérer du despotisme. Ce que les Algériens ont vu et ressenti déclenchera forcément en eux une réflexion sur leur propre situation. Sans parler de «l’effet papillon» et des surprises qu’il peut réserver à tout moment. Ces dernières revêtent toujours la forme la plus inattendue, comme le «plombier» qui a fait tomber Nixon ou la gifle donnée par une policière à un marchand ambulant dans un coin perdu du Maghreb. Que n’auraient fait ou donné Ben Ali, Moubarak et Kadhafi pour éviter leur sort actuel, eux qui savent désormais qu’ils finiront leur vie soit en prison, soit au bout d’une corde, leurs familles détruites et les dizaines de milliards de dollars volés partis en fumée ? Quoiqu’il en soit, le nouveau visage du monde arabe est en train de se dessiner touche après touche, au fur et à mesure que la révolution démocratique abat les bastions du despotisme. Ce qui réussit tend à devenir un modèle. Nous ne connaissons pas encore ce nouveau visage, il ne s’est pas encore affiché sur nos écrans, mais il n’est pas exagéré de dire que c’est le sort du monde entier qui est suspendu à cette affaire Bouazizi.
N. B.
Emeutes, répression, manœuvres et rumeurs Que veut Bouteflika ?
ImprimerPDF Envoyer à un ami Flux RSS Partager Au moment où les raïs et autres monarques effarouchés multiplient speechs et apparitions publiques, le président Bouteflika continue
de se confiner dans un silence mystérieux.
Soixante-dix-sept jours. C’est le temps écoulé depuis les émeutes du 5 janvier 2011. Et le président Bouteflika ne s’est toujours pas adressé à la nation. Pourtant, que de cataclysmes depuis.
Ni la rue qui gronde, ni le front social qui s’embrase, ni le tsunami arabe qui déferle en emportant dans sa furie Ben Ali et Moubarak, ni la guerre qui s’est installée à nos frontières avec cette campagne militaire contre El Gueddafi, rien de tout cela n’a réussi à sortir le président de la République de son mutisme.
Ainsi, au moment où, de Rabat à Sanaa, les raïs et autres monarques effarouchés multiplient speechs et apparitions publiques pour se «rabibocher» avec leurs peuples, le président Bouteflika continue de se confiner dans un silence mystérieux. Un silence qui trouverait probablement son explication dans l’une de ces trois hypothèses : le mépris, la maladie ou le désir de dédramatisation. Au plus fort déjà des émeutes de janvier, le pouvoir s’était évertué à placer ces soulèvements populaires dans un registre strictement social et «œsophagique». Et pour leur ôter toute connotation politique, un simple conseil interministériel fut chargé de suivre les événements et d’y apporter les réponses adéquates. Et quand, le 3 février, la levée de l’état d’urgence était annoncée, le chef de l’Etat n’avait pas jugé utile, là non plus, de s’embarrasser de questions de forme en dépit de l’importance d’une telle annonce.
Des plans furtifs de Bouteflika au JT de 20h, à l’ouverture du Conseil des ministres, avaient été jugés suffisants pour le rappeler au bon souvenir des Algériens avant que l’ENTV ne se charge de la communication gouvernementale proprement dite à coup de lectures fastidieuses des communiqués-fleuves du Conseil des ministres. Il n’aura pas échappé également aux observateurs l’épisode du 19 mars dernier, lorsqu’un conseiller du Président avait parlé de «réformes profondes» au détour d’une lettre lue dans une conférence à Mostaganem.
A une autre occasion, c’est El Hadi Khaldi, ministre de la Formation professionnelle, qui a pris le soin d’expliquer le sens de ces réformes. Et il ne se passe plus de jour sans que des mesures d’importance ne soient distillées par bribes homéopathiques dans la presse. Parmi les grands chantiers annoncés : l’amendement de la Constitution et l’organisation d’élections législatives anticipées.
Dans un contexte aussi explosif, les Algériens sont en droit d’attendre un geste fort de la part du premier magistrat du pays. Et surtout un minimum de communication directe. De chaleur.
Aussi, un discours à la nation n’aurait sans doute pas été de refus tant les mots, en la circonstance, valent au moins autant que les mesures décrétées. Il est des situations où c’est la parole même du président de la République qui est requise et les événements que nous vivons imposent au locataire d’El Mouradia de prendre ses responsabilités et de «daigner» enfin s’adresser à son peuple.
Malheureusement, ce lien semble cassé. A aucun moment, Abdelaziz Bouteflika ne s’est donné la peine d’expliquer son projet aux Algériens, se contentant de répéter, par la voix de ses émissaires, que ces (hypothétiques) réformes étaient déjà inscrites dans son programme dès son arrivée au pouvoir, en 1999, négligeant ainsi profondément la portée qu’une apparition solennelle pourrait avoir sur une opinion en proie au doute et en quête de réponses claires quant au destin national.
M. B.
de se confiner dans un silence mystérieux.
Soixante-dix-sept jours. C’est le temps écoulé depuis les émeutes du 5 janvier 2011. Et le président Bouteflika ne s’est toujours pas adressé à la nation. Pourtant, que de cataclysmes depuis.
Ni la rue qui gronde, ni le front social qui s’embrase, ni le tsunami arabe qui déferle en emportant dans sa furie Ben Ali et Moubarak, ni la guerre qui s’est installée à nos frontières avec cette campagne militaire contre El Gueddafi, rien de tout cela n’a réussi à sortir le président de la République de son mutisme.
Ainsi, au moment où, de Rabat à Sanaa, les raïs et autres monarques effarouchés multiplient speechs et apparitions publiques pour se «rabibocher» avec leurs peuples, le président Bouteflika continue de se confiner dans un silence mystérieux. Un silence qui trouverait probablement son explication dans l’une de ces trois hypothèses : le mépris, la maladie ou le désir de dédramatisation. Au plus fort déjà des émeutes de janvier, le pouvoir s’était évertué à placer ces soulèvements populaires dans un registre strictement social et «œsophagique». Et pour leur ôter toute connotation politique, un simple conseil interministériel fut chargé de suivre les événements et d’y apporter les réponses adéquates. Et quand, le 3 février, la levée de l’état d’urgence était annoncée, le chef de l’Etat n’avait pas jugé utile, là non plus, de s’embarrasser de questions de forme en dépit de l’importance d’une telle annonce.
Des plans furtifs de Bouteflika au JT de 20h, à l’ouverture du Conseil des ministres, avaient été jugés suffisants pour le rappeler au bon souvenir des Algériens avant que l’ENTV ne se charge de la communication gouvernementale proprement dite à coup de lectures fastidieuses des communiqués-fleuves du Conseil des ministres. Il n’aura pas échappé également aux observateurs l’épisode du 19 mars dernier, lorsqu’un conseiller du Président avait parlé de «réformes profondes» au détour d’une lettre lue dans une conférence à Mostaganem.
A une autre occasion, c’est El Hadi Khaldi, ministre de la Formation professionnelle, qui a pris le soin d’expliquer le sens de ces réformes. Et il ne se passe plus de jour sans que des mesures d’importance ne soient distillées par bribes homéopathiques dans la presse. Parmi les grands chantiers annoncés : l’amendement de la Constitution et l’organisation d’élections législatives anticipées.
Dans un contexte aussi explosif, les Algériens sont en droit d’attendre un geste fort de la part du premier magistrat du pays. Et surtout un minimum de communication directe. De chaleur.
Aussi, un discours à la nation n’aurait sans doute pas été de refus tant les mots, en la circonstance, valent au moins autant que les mesures décrétées. Il est des situations où c’est la parole même du président de la République qui est requise et les événements que nous vivons imposent au locataire d’El Mouradia de prendre ses responsabilités et de «daigner» enfin s’adresser à son peuple.
Malheureusement, ce lien semble cassé. A aucun moment, Abdelaziz Bouteflika ne s’est donné la peine d’expliquer son projet aux Algériens, se contentant de répéter, par la voix de ses émissaires, que ces (hypothétiques) réformes étaient déjà inscrites dans son programme dès son arrivée au pouvoir, en 1999, négligeant ainsi profondément la portée qu’une apparition solennelle pourrait avoir sur une opinion en proie au doute et en quête de réponses claires quant au destin national.
M. B.
Affrontements à Alger : Une fillette de 7 mois asphyxiée par les gaz lacrymogènes et des dizaines de blessés
ImprimerPDF Envoyer à un ami Flux RSS Partager Une fillette de 7 mois est morte mercredi après midi, asphyxiée par les gaz lacrymogènes au niveau de la cité B21 à Climat de France, dans la commune de Oued Koriche, qui connait depuis la matinée de violentes émeutes, entre les habitants du quartier et la police, avons nous appris d'une source proche de l'APC de Oued Koriche.
Selon une source policiére contactée par El Watan, au moins 50 policiers ont été blessés depuis les premières heures de la matinée de mercredi. D'autre part, au moins 3 arrestations ont été enregistrées parmi les jeunes émeutiers qui protestent contre les opérations de démolition des constructions illicites érigées au coeur de leur cité.
Autour de 15 H 00, les affrontements ont gagné un autre secteur de la cité "Climat de France", a appris elwatan.com de la part d'un habitant de cette cité populaire située à Oued Koreich. Selon ce témoin oculaire, au moins dix habitants ont été blessés par des balles en caoutchouc tirés par les policiers anti-émeutes au niveau de la zone dite "B21". Les forces de l'ordre ont enregistré une vingtaine de blessés dans leur rang, indique une source proche de l'APC d'Oued Koreich.
En effet, selon notre interlocuteur, plusieurs policiers ont été blessés dans les affrontements qui les ont opposés aux jeunes de "Climat de France". "Des familles balançaient des pierres et des objets métalliques sur les forces de l'ordre des balcons et des terrasses", indique notre interlocuteur.
Vers 14 H 30, les deux bulldozers et les dizaines de camions mobilisés par la wilaya d'Alger continuent de progresser, sous escorte policière, vers les secteurs des "200 colonnes" et "Bâtiment carré" pour procèder à la démolition de plusieurs dizaines d'habitations illicites.
Pour rappel, de violents affrontements ont opposé, mercredi, depuis 6 H du matin des dizaines de jeunes habitants de la cité "Climat de France" aux forces de l'ordre dans la commune populaire d'Oued Kreich. Selon des témoins oculaires contactés mercredi matin par elwatan.com, il y aurait déjà une quarantaine de blessés et au moins cinq véhicules ont été incendiés dont un camion de la Police attaqué par des jeunes en furie.
A coup de bombes lacrymogènes, les policiers anti-émeutes tentent depuis ce matin de disperser les jeunes émeutiers de la cité "Climat de France" qui ont empêché le déroulement d'une opération d'éradication de bidonvilles érigés au centre de cette cité populaire laquelle abrite pas moins de 5000 habitants, a appris mercredi elwatan.com.
Il faut savoir que ces affrontements ont commencé lorsque les autorités locales de la wilaya d'Alger ont tenté de détruire une quarantaine d'habitations illégales construites récemment par des jeunes de la cité en quête d'un logement. Trois zones de la cité "Climat de France" sont, en fait, visées par ces opérations menées par des bulldozers et quadrillées par un dispositif sécuritaire impressionnant.
La première zone visée mercredi par les autorités s'appelle "B21" et abrite de nombreuses constructions en tôle installées il y a de cela quelques mois par des habitants qui ont fui l'exiguïté des appartements de leurs immeubles datant de l'époque coloniale.
Opposés à ces opérations d'éradication et réclamant depuis fort longtemps des logements sociaux, les jeunes de "Climat de France" sont entrés, des lors, en confrontation avec les éléments des forces de sécurité présents sur les lieux. Et ces affrontements n'ont pas cessé de gagner en violence et en intensité.
Une quarantaine de blessés est signalée et cinq véhicules ont été incendiés. Selon des témoins oculaires, un camion de la Police a été saccagé par les jeunes en colère. Ces derniers n'hésitent pas à "bombarder" les policiers avec des pierres et des barres de fer.
Signalons enfin que la cité "Climat de France" compte près de 200 constructions illicites. Les habitants de cette cité délabrée demandent depuis longtemps des logements sociaux. Mais les opérations de distribution de logements sociaux sont bloquées pour l'heure dans la commune d'Oued Koreich, précise à
Selon une source policiére contactée par El Watan, au moins 50 policiers ont été blessés depuis les premières heures de la matinée de mercredi. D'autre part, au moins 3 arrestations ont été enregistrées parmi les jeunes émeutiers qui protestent contre les opérations de démolition des constructions illicites érigées au coeur de leur cité.
Autour de 15 H 00, les affrontements ont gagné un autre secteur de la cité "Climat de France", a appris elwatan.com de la part d'un habitant de cette cité populaire située à Oued Koreich. Selon ce témoin oculaire, au moins dix habitants ont été blessés par des balles en caoutchouc tirés par les policiers anti-émeutes au niveau de la zone dite "B21". Les forces de l'ordre ont enregistré une vingtaine de blessés dans leur rang, indique une source proche de l'APC d'Oued Koreich.
En effet, selon notre interlocuteur, plusieurs policiers ont été blessés dans les affrontements qui les ont opposés aux jeunes de "Climat de France". "Des familles balançaient des pierres et des objets métalliques sur les forces de l'ordre des balcons et des terrasses", indique notre interlocuteur.
Vers 14 H 30, les deux bulldozers et les dizaines de camions mobilisés par la wilaya d'Alger continuent de progresser, sous escorte policière, vers les secteurs des "200 colonnes" et "Bâtiment carré" pour procèder à la démolition de plusieurs dizaines d'habitations illicites.
Pour rappel, de violents affrontements ont opposé, mercredi, depuis 6 H du matin des dizaines de jeunes habitants de la cité "Climat de France" aux forces de l'ordre dans la commune populaire d'Oued Kreich. Selon des témoins oculaires contactés mercredi matin par elwatan.com, il y aurait déjà une quarantaine de blessés et au moins cinq véhicules ont été incendiés dont un camion de la Police attaqué par des jeunes en furie.
A coup de bombes lacrymogènes, les policiers anti-émeutes tentent depuis ce matin de disperser les jeunes émeutiers de la cité "Climat de France" qui ont empêché le déroulement d'une opération d'éradication de bidonvilles érigés au centre de cette cité populaire laquelle abrite pas moins de 5000 habitants, a appris mercredi elwatan.com.
Il faut savoir que ces affrontements ont commencé lorsque les autorités locales de la wilaya d'Alger ont tenté de détruire une quarantaine d'habitations illégales construites récemment par des jeunes de la cité en quête d'un logement. Trois zones de la cité "Climat de France" sont, en fait, visées par ces opérations menées par des bulldozers et quadrillées par un dispositif sécuritaire impressionnant.
La première zone visée mercredi par les autorités s'appelle "B21" et abrite de nombreuses constructions en tôle installées il y a de cela quelques mois par des habitants qui ont fui l'exiguïté des appartements de leurs immeubles datant de l'époque coloniale.
Opposés à ces opérations d'éradication et réclamant depuis fort longtemps des logements sociaux, les jeunes de "Climat de France" sont entrés, des lors, en confrontation avec les éléments des forces de sécurité présents sur les lieux. Et ces affrontements n'ont pas cessé de gagner en violence et en intensité.
Une quarantaine de blessés est signalée et cinq véhicules ont été incendiés. Selon des témoins oculaires, un camion de la Police a été saccagé par les jeunes en colère. Ces derniers n'hésitent pas à "bombarder" les policiers avec des pierres et des barres de fer.
Signalons enfin que la cité "Climat de France" compte près de 200 constructions illicites. Les habitants de cette cité délabrée demandent depuis longtemps des logements sociaux. Mais les opérations de distribution de logements sociaux sont bloquées pour l'heure dans la commune d'Oued Koreich, précise à
mardi 22 mars 2011
KABYLIE - ALGÉRIE L’AUTONOMIE DE LA KABYLIE EST INÉLUCTABLE
KABYLIE - ALGÉRIE
L’AUTONOMIE DE LA KABYLIE EST INÉLUCTABLE
On attribue généralement à Ibn Khaldoun l’assertion suivante : “ jamais un Arabe n’a cédé le pouvoir autrement que par la force ”. Quel qu’en soit son auteur, il est clair qu’il s’agit là d’une vérité historique qui a commencé du vivant même du prophète de l’islam et les événements qui ont cours actuellement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ne font que confirmer de façon dramatique cette affirmation
20/03/2011 - 18:40 mis a jour le 21/03/2011 - 10:58 par Azru Loukad
Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Arabie Saoudite, Yémen, Bahreïn ; entre quelques dizaines de morts ou une véritable boucherie, le sang des citoyens coule partout tandis que les dictateurs de ces pays plastronnent imperturbablement, convaincus de leur bon droit à disposer à leur guise des pays qu’ils ont asservis, de leurs richesses. Ils sont convaincus de mater légitimement toute contestation de leur pouvoir.
Du Golfe persique à l’Atlantique, à l’exception notable du Liban, déchiré entre les chiites inféodés à l’Iran et les sunnites, inféodés à l’Arabie Saoudite, partout où domine l’idéologie arabo-islamique, il n’y a aucune place pour une opposition politique et l’extermination des minorités y est une cause entendue et mutuelle-ment soutenue par les régimes en place. La preuve : en Libye, la résistance anti-Khadafi accuse ouvertement l’Algérie d’avoir transporté ou tout au moins favorisé l’acheminement de mercenaires en renfort au régime et l’Arabie Saoudite a envahi militairement le Bahreïn pour aider la minorité sunnite à écraser la majorité chiite, en même temps qu’elle réprime sauvagement sa propre minorité chiite. Au demeurant, pour ce qui est du soutien de l’Algérie à Khadafi, il est confirmé par son vote lors de la dernière session extraordinaire de la ligue arabe.
Dans le monde dit arabe, cette inclination à l’absolutisme relève d’une foi et d’une commodité culturelle qui légitiment le fait que lorsqu’on a pris le pouvoir, même par la force, c’est qu’on l’a mérité par la grâce d’Allah et de ce fait, on peut en disposer à l’envi et le transmettre par la seule volonté de son récipiendaire. Ainsi a-t-on vu Hafedh El Assad léguer la “République” de Syrie à son fils Bachar, Hosni Moubarak livrer sur un plateau l’Égypte à son fils Gamal et Bouteflika l’Algérie à son frère Saïd.
Pour se maintenir et perpétuer leur pouvoir, les régimes dictatoriaux d’Afrique du Nord sont tous construits sur la base d’une structure militaire et policière qui absorbe l’essentiel des ressources économiques des pays. Afin d’alimenter et entretenir l’illusion d’une puissance de frappe destinée surtout à tétaniser les populations locales, les budgets des armées sont soigneusement tenus secrets. Mais lorsqu’arrive le moment de vérité, la supercherie est éventée et le géant aux pieds d’argile se dévoile piteusement. C’est ce qui vient d’arriver à Khadafi qui dispose d’une armée de l’air théorique de pas moins de 260 chasseurs-bombardiers dont seuls 4 appareils sont opérationnels. Le gros du parc pourrit dans le désert faute d’entretien et de personnel qualifié. Cette formidable armada aérienne de Khadafi que beaucoup de pays occidentaux ne sont pas en mesure d’acquérir et d’entretenir s’est constituée au détriment des peuples de Libye dont certains sont laissés pour compte. Il en est particulièrement vrai du peuple amazigh de ce pays qui subit, outre une répression féroce, un dénuement économique entretenu dans un espace concentrationnaire sévèrement gardé par les partisans et les mercenaires du clan du dictateur.
Avant Khadafi, tout le monde se souvient aussi de l’armée de Saddam Hussein, supposée être la 4e du monde, mise en pièces en quelques jours sans avoir tiré une salve contre l’ennemi. Il est vrai que là aussi, elle a démontré sa grande efficacité contre des civils désarmés en gazant des villages entiers au Kurdistan.
En Algérie, pour le moment, on ne connaît les capacités des forces armées qu’à travers les exploits de ses hélicoptères qui brûlent régulièrement les oliveraies et les forêts de Kabylie, les cartons de la gendarmerie sur la jeunesse durant le Printemps noir et les “bavures” meurtrières et récurrentes de l’armée de terre dans les nombreux barrages qui maillent le territoire kabyle. Aux yeux du peuple, ces exactions sont des actes de guerre contre une population civile et désarmée parfaitement recevables par la Cour Pénale Internationale. Et comble de cynisme, la récente levée de l’état d’urgence s’est traduite par un renforcement visible des barrages routiers de l’armée et de la gendarmerie.
En plus de l’occupation militaire ostentatoire qu’elle subit depuis une décennie, la Kabylie fait face à une entreprise de dépersonnalisation tous azimuts par l’arabisation et l’intromission sournoise d’un prosélytisme islamique inédit dans la région. Au niveau économique, tout a été dit sur l’appauvrissement programmé de la région. C’est une vérité que même les autorités locales dépendant de l’état reconnaissent lorsque ses représentants sont contraints de s’expliquer devant les délégations citoyennes. Pour donner le change, le pouvoir a inventé la notion sournoise d’un développement physique parfaitement stérile. Ainsi, à titre d’exemple, le tronçon de 10 Km de voie ferrée entre Tizi Wezzu et Asif n At Aysi a bien été livré après 20 ans de tergiversations et de blocages. Sauf que si la voie existe, il n’y a toujours pas de train. Il en est de même du barrage hydraulique de Taqsevt qui alimente H 24 et à flots tendus Boumerdès, Alger et Blida alors que des centaines de villages situés juste à proximité sont laissés en rade.
Depuis une décennie, la Kabylie a vu la naissance du Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie. Pour la première fois depuis l’indépendance, un mouvement politique se crée pour affecter toute son énergie au sauvetage de la région qui vit une véritable colonisation arabo-islamique. Comme toute colonisation, celle que subit la Kabylie fait feu de tous bois en conjuguant la force militaire et policière, la sanction économique, la dénaturation linguistique et culturelle et le recours à une force locale d’appoint composée de Kabyles-de-service appelés communément KDS. Et c’est face à cet éventail d’hostilités quotidiennes que le MAK démontre son importance et mesure sa véritable représentativité chez le peuple kabyle. Depuis le début de l’année, ses actions de proximité (marches populaires, meetings, conférences-débats, caravanes de sensibilisation) se sont multipliées à travers toute la Kabylie. Partout, l’idéologie arabo-islamique par laquelle le pouvoir veut réduire puis gommer la nation kabyle est rejetée sans réserve et unanimement.
En direction des forces politiques présentes dans la région, le MAK a réitéré à plusieurs reprises sa disponibilité à la mise en œuvre d’un front politique commun au profit de la nation kabyle. Sans résultat pour le moment. Car les pesanteurs historiques sont lourdes et les adeptes du statu quo n’en démordent pas.
La création du MAK a quand même clarifié la situation aux yeux du peuple kabyle qui a compris depuis avril 2001 qu’il est inutile et vain de s’apitoyer en arguant que « tel mon proche parent est pieux » pour justifier d’une bigoterie islamique supposée.
Inutile et vain de se proclamer partisan d’une Algérie une et indivisible pour faire preuve d’ une allégeance à un système qui assume par le discours et les actes une colonisation de fait de la Kabylie.
Et inutile et vaine serait la tentative de brocanter la Kabylie contre de honteux subsides.
Continuer de donner des cautions d’ultra nationalisme à un régime qui t’insulte, te malmène et qui méprise ton engeance, ta langue, ton histoire et tes espérances porte un nom : la servitude volontaire.
Pour illustrer ces simagrées, il me vient en tête le souvenir de la réponse de Vito Corlenone, face au croquemort Bonasera qui lui quémandait son aide pour venger sa fille violentée et après avoir été rabroué et humilié par la justice américaine. C’était dans les tous premiers plans du film “Le Parrain” de Francis Ford Coppola.
KABYLIE, le 19 mars 2011
Azru
L’AUTONOMIE DE LA KABYLIE EST INÉLUCTABLE
On attribue généralement à Ibn Khaldoun l’assertion suivante : “ jamais un Arabe n’a cédé le pouvoir autrement que par la force ”. Quel qu’en soit son auteur, il est clair qu’il s’agit là d’une vérité historique qui a commencé du vivant même du prophète de l’islam et les événements qui ont cours actuellement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ne font que confirmer de façon dramatique cette affirmation
20/03/2011 - 18:40 mis a jour le 21/03/2011 - 10:58 par Azru Loukad
Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Arabie Saoudite, Yémen, Bahreïn ; entre quelques dizaines de morts ou une véritable boucherie, le sang des citoyens coule partout tandis que les dictateurs de ces pays plastronnent imperturbablement, convaincus de leur bon droit à disposer à leur guise des pays qu’ils ont asservis, de leurs richesses. Ils sont convaincus de mater légitimement toute contestation de leur pouvoir.
Du Golfe persique à l’Atlantique, à l’exception notable du Liban, déchiré entre les chiites inféodés à l’Iran et les sunnites, inféodés à l’Arabie Saoudite, partout où domine l’idéologie arabo-islamique, il n’y a aucune place pour une opposition politique et l’extermination des minorités y est une cause entendue et mutuelle-ment soutenue par les régimes en place. La preuve : en Libye, la résistance anti-Khadafi accuse ouvertement l’Algérie d’avoir transporté ou tout au moins favorisé l’acheminement de mercenaires en renfort au régime et l’Arabie Saoudite a envahi militairement le Bahreïn pour aider la minorité sunnite à écraser la majorité chiite, en même temps qu’elle réprime sauvagement sa propre minorité chiite. Au demeurant, pour ce qui est du soutien de l’Algérie à Khadafi, il est confirmé par son vote lors de la dernière session extraordinaire de la ligue arabe.
Dans le monde dit arabe, cette inclination à l’absolutisme relève d’une foi et d’une commodité culturelle qui légitiment le fait que lorsqu’on a pris le pouvoir, même par la force, c’est qu’on l’a mérité par la grâce d’Allah et de ce fait, on peut en disposer à l’envi et le transmettre par la seule volonté de son récipiendaire. Ainsi a-t-on vu Hafedh El Assad léguer la “République” de Syrie à son fils Bachar, Hosni Moubarak livrer sur un plateau l’Égypte à son fils Gamal et Bouteflika l’Algérie à son frère Saïd.
Pour se maintenir et perpétuer leur pouvoir, les régimes dictatoriaux d’Afrique du Nord sont tous construits sur la base d’une structure militaire et policière qui absorbe l’essentiel des ressources économiques des pays. Afin d’alimenter et entretenir l’illusion d’une puissance de frappe destinée surtout à tétaniser les populations locales, les budgets des armées sont soigneusement tenus secrets. Mais lorsqu’arrive le moment de vérité, la supercherie est éventée et le géant aux pieds d’argile se dévoile piteusement. C’est ce qui vient d’arriver à Khadafi qui dispose d’une armée de l’air théorique de pas moins de 260 chasseurs-bombardiers dont seuls 4 appareils sont opérationnels. Le gros du parc pourrit dans le désert faute d’entretien et de personnel qualifié. Cette formidable armada aérienne de Khadafi que beaucoup de pays occidentaux ne sont pas en mesure d’acquérir et d’entretenir s’est constituée au détriment des peuples de Libye dont certains sont laissés pour compte. Il en est particulièrement vrai du peuple amazigh de ce pays qui subit, outre une répression féroce, un dénuement économique entretenu dans un espace concentrationnaire sévèrement gardé par les partisans et les mercenaires du clan du dictateur.
Avant Khadafi, tout le monde se souvient aussi de l’armée de Saddam Hussein, supposée être la 4e du monde, mise en pièces en quelques jours sans avoir tiré une salve contre l’ennemi. Il est vrai que là aussi, elle a démontré sa grande efficacité contre des civils désarmés en gazant des villages entiers au Kurdistan.
En Algérie, pour le moment, on ne connaît les capacités des forces armées qu’à travers les exploits de ses hélicoptères qui brûlent régulièrement les oliveraies et les forêts de Kabylie, les cartons de la gendarmerie sur la jeunesse durant le Printemps noir et les “bavures” meurtrières et récurrentes de l’armée de terre dans les nombreux barrages qui maillent le territoire kabyle. Aux yeux du peuple, ces exactions sont des actes de guerre contre une population civile et désarmée parfaitement recevables par la Cour Pénale Internationale. Et comble de cynisme, la récente levée de l’état d’urgence s’est traduite par un renforcement visible des barrages routiers de l’armée et de la gendarmerie.
En plus de l’occupation militaire ostentatoire qu’elle subit depuis une décennie, la Kabylie fait face à une entreprise de dépersonnalisation tous azimuts par l’arabisation et l’intromission sournoise d’un prosélytisme islamique inédit dans la région. Au niveau économique, tout a été dit sur l’appauvrissement programmé de la région. C’est une vérité que même les autorités locales dépendant de l’état reconnaissent lorsque ses représentants sont contraints de s’expliquer devant les délégations citoyennes. Pour donner le change, le pouvoir a inventé la notion sournoise d’un développement physique parfaitement stérile. Ainsi, à titre d’exemple, le tronçon de 10 Km de voie ferrée entre Tizi Wezzu et Asif n At Aysi a bien été livré après 20 ans de tergiversations et de blocages. Sauf que si la voie existe, il n’y a toujours pas de train. Il en est de même du barrage hydraulique de Taqsevt qui alimente H 24 et à flots tendus Boumerdès, Alger et Blida alors que des centaines de villages situés juste à proximité sont laissés en rade.
Depuis une décennie, la Kabylie a vu la naissance du Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie. Pour la première fois depuis l’indépendance, un mouvement politique se crée pour affecter toute son énergie au sauvetage de la région qui vit une véritable colonisation arabo-islamique. Comme toute colonisation, celle que subit la Kabylie fait feu de tous bois en conjuguant la force militaire et policière, la sanction économique, la dénaturation linguistique et culturelle et le recours à une force locale d’appoint composée de Kabyles-de-service appelés communément KDS. Et c’est face à cet éventail d’hostilités quotidiennes que le MAK démontre son importance et mesure sa véritable représentativité chez le peuple kabyle. Depuis le début de l’année, ses actions de proximité (marches populaires, meetings, conférences-débats, caravanes de sensibilisation) se sont multipliées à travers toute la Kabylie. Partout, l’idéologie arabo-islamique par laquelle le pouvoir veut réduire puis gommer la nation kabyle est rejetée sans réserve et unanimement.
En direction des forces politiques présentes dans la région, le MAK a réitéré à plusieurs reprises sa disponibilité à la mise en œuvre d’un front politique commun au profit de la nation kabyle. Sans résultat pour le moment. Car les pesanteurs historiques sont lourdes et les adeptes du statu quo n’en démordent pas.
La création du MAK a quand même clarifié la situation aux yeux du peuple kabyle qui a compris depuis avril 2001 qu’il est inutile et vain de s’apitoyer en arguant que « tel mon proche parent est pieux » pour justifier d’une bigoterie islamique supposée.
Inutile et vain de se proclamer partisan d’une Algérie une et indivisible pour faire preuve d’ une allégeance à un système qui assume par le discours et les actes une colonisation de fait de la Kabylie.
Et inutile et vaine serait la tentative de brocanter la Kabylie contre de honteux subsides.
Continuer de donner des cautions d’ultra nationalisme à un régime qui t’insulte, te malmène et qui méprise ton engeance, ta langue, ton histoire et tes espérances porte un nom : la servitude volontaire.
Pour illustrer ces simagrées, il me vient en tête le souvenir de la réponse de Vito Corlenone, face au croquemort Bonasera qui lui quémandait son aide pour venger sa fille violentée et après avoir été rabroué et humilié par la justice américaine. C’était dans les tous premiers plans du film “Le Parrain” de Francis Ford Coppola.
KABYLIE, le 19 mars 2011
Azru
Les propositions d’Aït Ahmed, IL INVITE LES ALGÉRIENS À SE REMOBILISER POUR UNE SORTIE DE CRISE
Actualités : IL INVITE LES ALGÉRIENS À SE REMOBILISER POUR UNE SORTIE DE CRISE
Les propositions d’Aït Ahmed
Aït Ahmed s’invite au débat. Il a adressé hier un message aux Algériens où il propose une sortie de crise. Une lettre dans laquelle il estime nécessaire une mobilisation de tous pour aboutir à l’autodétermination du peuple qui passe inexorablement par une assemblée constituante.
Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Le leader du Front des forces socialistes (FFS) sort de son silence. Dans un long message adressé au peuple algérien, intitulé «Pour une alternative démocratique et pacifique», il fait un diagnostic de la situation politique et propose des solutions car, dit-il, «à chaque fois que cela sera nécessaire, il faudra apporter les clarifications indispensables à une véritable construction politique nationale, démocratique, populaire et pacifique».
«Cinquante ans après, nous voici face aux mêmes absences»
Le numéro un du FFS commence par dire que l’Algérie ne saurait être en marge des mouvements qui traversent la région. «La crise algérienne s’inscrit naturellement dans le cadre des crises en cours. Pour autant, il n’est pas question de céder à une quelconque «contagion démocratique» dans l’explication et le traitement de chaque situation nationale», écrit-il, estimant que l’occasion est tout de même donnée pour «mettre à nu les pratiques de dépolitisation et de désarmement moral propagées par les tenants de la violence». Aït Ahmed n’épargne pas au passage ceux qui «trop pressés de substituer leur agenda à celui de la société, ils ont voulu profiter de quelques confusions médiatiques soigneusement entretenues pour semer, encore une fois, le trouble». La crise, Aït Ahmed situe ses prémices au lendemain de l’indépendance. «Cinquante ans après la proclamation de l’indépendance nationale, nous voici face aux mêmes absences : absence d’un Etat de droit, absence de vie politique, absence de constitution digne de ce nom, absence d’institutions légitimes capables de protéger le peuple autant que le pays des abus et d’assurer son droit à vivre dans la liberté et la dignité», écrit-il. Et d’ajoutant : «C’est la part confisquée de démocratie, de liberté, de souveraineté, de citoyenneté, de justice et d’égalité devant la loi dans la construction d’un véritable Etat de droit qui a troublé les lendemains des indépendances. Et c’est cette part de liberté confisquée qui revient périodiquement, portée par de nouvelles générations, pour affirmer, haut et fort, que sans liberté des individus et des peuples, il n’y a ni indépendance ni souveraineté nationale, ni développement économique, politique et social».
Ni guerre civile ni dictature
Comment sortir de cette crise quasi chronique ? Le président du FFS considère qu’il serait «léger de croire qu’il suffirait de dissoudre des institutions ou des partis pour que sortent de leurs décombres d’autres institutions et d’autres partis tout prêts pour un usage démocratique. Tort surtout de croire que l’union est dans le reflux du politique au profit du fusionnel. Les unions sacrées et les faux consensus ne donnent que de fausses solutions». Une priorité, cependant, «la construction d’un système politique qui rende sacrée la préservation du sang des Algériens. Et cela ne sera possible que dans le cadre d’un Etat de droit, construit précisément par les gens pour respecter et faire respecter le droit des gens». Aït Ahmed préconise une «autodétermination du peuple» qui doit impérativement passer par «un ancrage social plus large». Aux acteurs de ces luttes, estime Aït Ahmed, il manque «de se voir et de savoir ce qui les lie et ce qui les sépare et comment ne pas tomber dans les pièges de la division, de la dispersion et de la diversion», au moment où «le mur de la peur a été remplacé et aggravé au plus profond de la société par un mur de lassitude et de dégoût devant la vénalité et la vassalité des fausses élites imposées à l’ombre de la terreur, de la mafia politico-financière, des élections truquées, des médias sous haute surveillance ». Seule alternative possible, une réorganisation en profondeur de la société. «Du collectif de quartier au mouvement syndical, de l’association écologique au mouvement d’étudiants et du mouvement des femmes pour leurs droits à celui des lycéens, des chômeurs, de l’organisation autonome des cadres, des intellectuels, des universitaires à l’organisation sérieuse des entrepreneurs et de toutes les corporations. Pour que la vie des partis politiques ne soit pas qu’une lutte perpétuelle pour le positionnement interne. Pour que la vie politique nationale ne soit pas mise en hibernation entre deux élections. Et pour que le pays ne soit pas en permanence mis en demeure de choisir entre la peste de la guerre civile et le choléra de la dictature politique ou religieuse. » Au terme de ce processus, estime Aït Ahmed, la remobilisation citoyenne aboutira à «la refondation institutionnelle, qui remette les droits des citoyens, leur sécurité et leur développement ainsi que ceux du pays au cœur d’une constitution digne de ce nom, parce qu’enfin issue d’une assemblée constituante librement élue par des Algériens libres.»
N. I.
Nombre de lectures : 348
Les propositions d’Aït Ahmed
Aït Ahmed s’invite au débat. Il a adressé hier un message aux Algériens où il propose une sortie de crise. Une lettre dans laquelle il estime nécessaire une mobilisation de tous pour aboutir à l’autodétermination du peuple qui passe inexorablement par une assemblée constituante.
Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Le leader du Front des forces socialistes (FFS) sort de son silence. Dans un long message adressé au peuple algérien, intitulé «Pour une alternative démocratique et pacifique», il fait un diagnostic de la situation politique et propose des solutions car, dit-il, «à chaque fois que cela sera nécessaire, il faudra apporter les clarifications indispensables à une véritable construction politique nationale, démocratique, populaire et pacifique».
«Cinquante ans après, nous voici face aux mêmes absences»
Le numéro un du FFS commence par dire que l’Algérie ne saurait être en marge des mouvements qui traversent la région. «La crise algérienne s’inscrit naturellement dans le cadre des crises en cours. Pour autant, il n’est pas question de céder à une quelconque «contagion démocratique» dans l’explication et le traitement de chaque situation nationale», écrit-il, estimant que l’occasion est tout de même donnée pour «mettre à nu les pratiques de dépolitisation et de désarmement moral propagées par les tenants de la violence». Aït Ahmed n’épargne pas au passage ceux qui «trop pressés de substituer leur agenda à celui de la société, ils ont voulu profiter de quelques confusions médiatiques soigneusement entretenues pour semer, encore une fois, le trouble». La crise, Aït Ahmed situe ses prémices au lendemain de l’indépendance. «Cinquante ans après la proclamation de l’indépendance nationale, nous voici face aux mêmes absences : absence d’un Etat de droit, absence de vie politique, absence de constitution digne de ce nom, absence d’institutions légitimes capables de protéger le peuple autant que le pays des abus et d’assurer son droit à vivre dans la liberté et la dignité», écrit-il. Et d’ajoutant : «C’est la part confisquée de démocratie, de liberté, de souveraineté, de citoyenneté, de justice et d’égalité devant la loi dans la construction d’un véritable Etat de droit qui a troublé les lendemains des indépendances. Et c’est cette part de liberté confisquée qui revient périodiquement, portée par de nouvelles générations, pour affirmer, haut et fort, que sans liberté des individus et des peuples, il n’y a ni indépendance ni souveraineté nationale, ni développement économique, politique et social».
Ni guerre civile ni dictature
Comment sortir de cette crise quasi chronique ? Le président du FFS considère qu’il serait «léger de croire qu’il suffirait de dissoudre des institutions ou des partis pour que sortent de leurs décombres d’autres institutions et d’autres partis tout prêts pour un usage démocratique. Tort surtout de croire que l’union est dans le reflux du politique au profit du fusionnel. Les unions sacrées et les faux consensus ne donnent que de fausses solutions». Une priorité, cependant, «la construction d’un système politique qui rende sacrée la préservation du sang des Algériens. Et cela ne sera possible que dans le cadre d’un Etat de droit, construit précisément par les gens pour respecter et faire respecter le droit des gens». Aït Ahmed préconise une «autodétermination du peuple» qui doit impérativement passer par «un ancrage social plus large». Aux acteurs de ces luttes, estime Aït Ahmed, il manque «de se voir et de savoir ce qui les lie et ce qui les sépare et comment ne pas tomber dans les pièges de la division, de la dispersion et de la diversion», au moment où «le mur de la peur a été remplacé et aggravé au plus profond de la société par un mur de lassitude et de dégoût devant la vénalité et la vassalité des fausses élites imposées à l’ombre de la terreur, de la mafia politico-financière, des élections truquées, des médias sous haute surveillance ». Seule alternative possible, une réorganisation en profondeur de la société. «Du collectif de quartier au mouvement syndical, de l’association écologique au mouvement d’étudiants et du mouvement des femmes pour leurs droits à celui des lycéens, des chômeurs, de l’organisation autonome des cadres, des intellectuels, des universitaires à l’organisation sérieuse des entrepreneurs et de toutes les corporations. Pour que la vie des partis politiques ne soit pas qu’une lutte perpétuelle pour le positionnement interne. Pour que la vie politique nationale ne soit pas mise en hibernation entre deux élections. Et pour que le pays ne soit pas en permanence mis en demeure de choisir entre la peste de la guerre civile et le choléra de la dictature politique ou religieuse. » Au terme de ce processus, estime Aït Ahmed, la remobilisation citoyenne aboutira à «la refondation institutionnelle, qui remette les droits des citoyens, leur sécurité et leur développement ainsi que ceux du pays au cœur d’une constitution digne de ce nom, parce qu’enfin issue d’une assemblée constituante librement élue par des Algériens libres.»
N. I.
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L'intégralité du message adressé par Hocine Ait Ahmed (FFS)
L'intégralité du message adressé par Hocine Ait Ahmed, Président du Front des Forces Socialistes (FFS) aux algériens et aux algériennes.
Le droit d’avoir des droits.
Les révolutions en cours en Tunisie et en Egypte, la magnifique leçon de courage, d’organisation et de détermination populaire qu’elles ont donné à voir au monde entier nous interpellent directement.
Les développements dramatiques que connait la légitime demande populaire de changement démocratique en Lybie ont révélé au monde les pics de sauvagerie dont sont capables des dictateurs fous n’ayant de compte, à rendre à personne. Et surtout pas à leurs peuples.
La crise algérienne s’inscrit naturellement dans le cadre des crises en cours. Pour autant, il n’est pas question de céder à une quelconque « contagion démocratique » dans l’explication et le traitement de chaque situation nationale.
Deux « constantes » émergent pourtant de l’ensemble des révolutions en cours dans la région : D’une part l’existence de régimes prédateurs, impopulaires et inaptes à porter la demande de liberté et de dignité de leurs populations. Et d’autre part une forte réaffirmation, par les peuples, du droit d’avoir des droits.
Les algériens, qui se sont de longue date inscrits dans le combat pour la démocratie et le changement de régime, ont pour cela payé un prix très lourd.
Si les mobilisations populaires tunisiennes et égyptiennes nous rappellent dans leurs prémices le »printemps démocratique » (89-91), le scandaleux bain de sang déclenché par El Gueddafi rappelle quant à lui la furie éradicatrice des années 90 qui a déchainé - à l’intérieur et à l’extérieur des institutions- des algériens contre d’autres algériens durant toute une décennie.
C’est pour que l’Algérie n’ait plus jamais à payer un tel prix pour la maitrise de son destin, qu’il incombe aux algériens, dans la diversité de leurs convictions et de leurs appartenances, d’indiquer clairement la voie de la construction politique en alternative à la voie de la confusion et de la violence.
Il est plus que jamais temps de mettre à nu les pratiques de dépolitisation et de désarmement moral propagées par les tenants de la violence.
Trop pressés de substituer leur agenda à celui de la société, ils ont voulu profiter de quelques confusions médiatiques soigneusement entretenues pour semer encore une fois le trouble.
A chaque fois que cela sera nécessaire il faudra apporter les clarifications indispensables à une véritable construction politique nationale, démocratique, populaire et pacifique.
Il serait grave d’oublier le lourd tribut payé par les algériens depuis des décennies. Grave de considérer ces années de terreur et de folie comme une « simple erreur de parcours » sur laquelle il faut pudiquement tourner la page. Croire cela possible c’est insulter autant l’humanité de ce peuple que son sens politique.
C’est sur un socle d’amnésies successives que les régimes autoritaires post- coloniaux ont bâti, en Afrique et dans les pays arabes, des légitimités factices. C’est sur ces amnésies que des générations de cliques arrogantes et prédatrices se sont arrogé le droit de cracher un révisionnisme insultant à l’égard de nations bafouées.
Le révisionnisme ne consiste pas seulement à nier les luttes populaires d’hier, il consiste également à refuser aux peuples de leur reconnaitre, aujourd’hui, les qualités de maturité, d’unité, de solidarité et de lucidité dont ils ont su être capables hier.
A trop vite oublier que les peuples ont une mémoire, que cette mémoire structure leurs adhésions et leurs rejets, les régimes finissent par perdre tout lien avec leurs sociétés.
Tous les peuples ont soif de liberté.
Tous les peuples ont soif d’égalité, de justice et de dignité.
Tous les peuples mènent des combats et les paient horriblement cher avant de les voir aboutir.
Il ya plus d’un siècle que les algériens ont entrepris leur longue marche vers la liberté et la dignité dans leur acception politique moderne. (La marche est ici entendue dans son sens de mise en mouvement d’une société engagée en profondeur et non pas un bref footing en ville)
Le rajeunissement nécessaire des élites, les nouvelles formes que prennent leurs luttes, l’extension du champ de leurs revendications, qui secoue le vieux fonds classique des combats de leurs aînés, ne doit pas servir à l’odieux dessein de couper les générations en tranches jetables. Le combat pour l’indépendance nationale et le combat pour la démocratie sont indissociables. Ceux qui ont cru que l’une pouvait faire l’économie de l’autre ont fait la preuve de leur échec.
Cette marche sans cesse contrariée vers la liberté s’inscrit dans les combats des peuples du monde pour la conquête de leur souveraineté et de leurs droits. Elle ne relève ni d’une spécificité religieuse ni d’un particularisme régional.
Elle procède d’un élan démocratique pour l’auto détermination collective et individuelle.
D’abord dans le cadre des luttes de libération nationale. Ensuite contre des régimes despotiques et corrompus.
Les luttes anti- coloniales ont abouti à des libérations inachevées. La liberté conquise de haute lutte par les peuples ne s’est pas inscrite dans des Etats, des institutions et des textes capables de les mettre à l’abri des forces hostiles à l’émancipation des peuples, des sociétés et des individus.
C’est la part confisquée de démocratie, de liberté, de souveraineté, de citoyenneté, de justice et d’égalité devant la loi dans la construction d’un véritable Etat de droit qui a troublé les lendemains des indépendances.
Et c’est cette part de liberté confisquée qui revient périodiquement, portée par de nouvelles générations, pour affirmer, haut et fort, que sans liberté des individus et des peuples il n’ya ni indépendance ni souveraineté nationale, ni développement économique, politique et social.
Cinquante ans après la proclamation de l’indépendance nationale, nous voici face aux mêmes absences : Absence d’un Etat de droit, absence de vie politique, absence de constitution digne de ce nom, absence d’institutions légitimes capables de protéger le peuple autant que le pays des abus et d’assurer son droit à vivre dans la liberté et la dignité.
A peine l’indépendance proclamée par le peuple algérien et reconnue par la puissance coloniale ; un régime oppressif n’a ni tergiversé ni hésité avant de confisquer cette indépendance en enterrant les rêves démocratiques, les droits et la liberté.
On ne peut pour autant mettre sur un même plan la détresse et les souffrances des algériennes et des algériens dépouillés au lendemain d’une liberté chèrement acquise et les imposteurs qui ont confisqué leur droit à l’autodétermination.
Ceux qui ont crié sebaa snin barakat ! en 1962 avaient raison d’exprimer leur lassitude, leur trop plein de souffrance et de sang, leur rejet des divisions, leur crainte des guerres de factions.
Mais ils avaient politiquement tort.
Tort de croire que les divergences politiques de fond se règlent par des embrassades.
Tort de croire que les promesses d’unité et de fidélité aux principes de la révolution peuvent se suffire de discours.
Tort de croire qu’une constitution n’est qu’une formalité sans conséquence.
Tort de croire que l’indépendance d’une nation et la souveraineté d’un peuple peuvent se suffire d‘une page sanglante vite tournée.
Mais ils avaient raison mille fois raison d’affirmer haut et fort que ce peuple a trop payé de son sang !
Des décennies plus tard, il est non seulement impératif de rappeler que le sang des algériens n’a que trop coulé, mais il est aussi impératif de rappeler que c’est aux institutions politiques qu’il appartient de veiller à ce que le recours à la violence ne soit plus la seule option laissée aux algériens.
Cela s’appelle le droit d’avoir des droits. Et cela s’adresse à tous.
Ici, il faut souligner les convergences de vues qui existent entre ceux qui ont choisi la voie de l’exclusion, à l’intérieur comme à l’extérieur des institutions.
Ni Etat intégriste ni Etat policier.
Le malheur de l’Algérie n’aurait pas été si sanglant, ni son désarroi si profond, si le choix de l’exclusion et de la violence n’avait été le fait que du pouvoir. Il se trouve que des courants au sein de la société se sont construits exclusivement sur l’apologie de l’exclusion et de la violence. Quel que soit le lourd soupçon de manipulation par le pouvoir réel qui pèse sur ces courants, il n’en demeure pas moins qu’une clarification de leur part demeure indispensable pour signifier clairement un saut qualitatif dans la formulation du sacré en politique.
Ce qui est sacré, ce n’est plus seulement le sang déjà versé, c’est aussi la construction d’un système politique qui rende sacrée la préservation du sang des algériens. Et cela ne sera possible que dans le cadre d’un Etat de droit, construit précisément par les gens pour respecter et faire respecter le droit des gens.
Il serait léger de croire qu’il suffirait de dissoudre des institutions ou des partis pour que sortent de leurs décombres d’autres institutions et d’autres partis tous prêts pour un usage démocratique.
Tort surtout de croire que l’union est dans le reflux du politique au profit du fusionnel. Les unions sacrées et les faux consensus ne donnent que de fausses solutions).
A chaque moment-clé de notre histoire nous avons été mis en demeure de choisir entre les instruments du politique et les illusions politiques. A chaque fois nous avons dit non aux illusions et avons mis en avant les instruments du politique.
Un Etat de droit, des institutions fortes de leur légitimité, une justice indépendante, des contre – pouvoirs efficaces, une vie politique démocratique réglée par un contrat national, social et politique qui garantisse les libertés individuelles et collectives au même titre qu’il se porte garant de la justice sociale.
Le droit à la sécurité, au travail, au logement, à une scolarité de qualité, à une santé de qualité, à une justice de qualité, à un environnement de qualité, à une vie culturelle de qualité sont des questions qui intéressent tout le peuple.
Et par ce que ces questions intéressent tout le monde, elles mettent en jeux des intérêts contradictoires.
Comment gérer ces contradictions ?
La révolte d’octobre 88 a porté ces questions à travers l’irruption de la jeunesse dans la rue. Le pouvoir a riposté avec sa violence habituelle en semant la mort et en recourant à la torture.
Les réformes politiques et économiques initiées de l’intérieur du régime, combattues avec violence à l’intérieur et à l’extérieur du régime n’ont pas permis d’éviter la guerre.
20 ans de violences, d’errements sécuritaires, politiques et économiques ; preuve est faite, que le primat du droit peut seul permettre une gestion pacifique de conflits d’intérêts contradictoires.
Nous croyons, pour notre part, que les contradictions se gèrent par la construction d’un rapport de force politique, basé sur les discussions, la négociation pacifique, l’arbitrage, et non réductible par la manipulation, la ruse et la violence.
Nous sommes, aujourd’hui encore, loin d’avoir remporté la bataille de la construction démocratique de la Nation et de l’Etat Algériens. Mais nous n’avons jamais été aussi proches d’en voir les prémisses, portés par des pans entiers de la société. Pour accélérer ce processus, certaines vérités doivent être dîtes.
Ce n’est pas seulement la peur qui se dresse devant la conquête du droit d’avoir des droits.
Casser le mur de la peur, cela n’est pas nouveau :
C’est ce qu’ont fait tout au long de ces années de braise et de sang tous ceux qui se sont levés pour dénoncer la dictature autant que le terrorisme.
Oser clamer haut et fort, en 1992, Ni Etat policier, Ni Etat intégriste, les militants du FFS et tous ceux qui se sont retrouvés à leurs cotés l’ont fait ; c’était autrement plus courageux et lucide de le faire à cette époque que ça ne l’est aujourd’hui, que la jonction des deux options se sont réalisés dans le régime politique en vigueur. Ces deux options sont aujourd’hui discréditées auprès de l’ensemble de la société algérienne.
Casser le mur de la peur :
C’est ce qu’ont fait les familles de disparus depuis des années en bravant la répression et les interdits.
C’est ce qu’ont fait les avocats qui les ont soutenues et aidé à porter leur combat dans toutes les arènes nationales et internationales.
C’est ce qu’ont fait les familles de victimes du terrorisme.
C’est ce qu’ont fait les jeunes de Kabylie en 2001.
C’est ce qu’ont fait les jeunes de Ghardaïa
C’est ce qu’ont fait les jeunes d’Ouargla
C’est ce qu’ont fait les jeunes des Aurès
C’est ce qu’ont fait les jeunes de l’Oranie
C‘est ce qu’ont les jeunes de Constantine.
C’est ce qu’ont fait les femmes de Hassi Messaoud traquées et violentées qui ont osé défier la loi de l’omerta.
C’est ce qu’ont fait les syndicats autonomes qui ont osé construire des rapports de forces en faveur des travailleurs depuis des années.
C’est ce qu’ont fait certaines associations… Et tous ces quartiers d’Algérie rendus furieux par la l’exclusion et la hogra…Et ces bataillons de Harragas…
Et même si cela n’a pas fait tomber le régime cela à participé à mettre en évidence ses tares et ses faillites.
Pour l’autodétermination du peuple algérien.
Il manque pourtant à toutes ces résistances à l’injustice, à la violence et à l’oppression un ancrage social plus large.
Il leur manque l’aide et le soutien de médias libres et crédibles
Il leur manque de se voir et de savoir ce qui les lie et ce qui les sépare et comment ne pas tomber dans les pièges de la division, de la dispersion et de la diversion…
Mais pour autant il serait vain de se mentir et de ne pas voir que le mur de la peur a été remplacé et aggravé au plus profond de la société par un mur de lassitude et de dégoût devant la vénalité et la vassalité des fausses élites imposées à l’ombre de la terreur, de la mafia politico-financière, des élections truquées, des médias sous haute surveillance.
Certes, la proximité des révolutions tunisienne et égyptienne donne un coup d’accélérateur à l’Histoire.
Certes, le contexte international du 21ème siècle ne peut plus se suffire des dictatures impopulaires et corrompues du siècle précédent.
Certes, une époque s’achève avec ses références et ses outils de domination. Une autre est en train d’émerger avec de nouveaux acteurs, de nouvelles générations et de nouvelles méthodes de lutte.
Et, plus que jamais auparavant, la libre auto- détermination des peuples est partout à l’ordre du jour.
C’est pour l’empêcher que des solutions illusoires sont montrées par les mêmes vieilles officines qui ont fait le malheur de ce pays. Des solutions qui mettent de nouveau de côté la mobilisation de la société et son organisation pacifique.
Il est des circonstances de l’histoire où il suffit d’un bulletin de vote pour exprimer l’auto-détermination d’un peuple.
C’est le cas pour mettre un terme à une guerre d’indépendance. Mais pour mettre fin à une guerre de décomposition sociale, l’autodétermination du peuple s’exprime par une large mobilisation de toutes les composantes de la société à l’intérieur de tous les cadres qui sont à sa portée.
Du collectif de quartier au mouvement syndical, de l’association écologique au mouvement d’étudiants et du mouvement des femmes pour leurs droits à celui des lycéens, des chômeurs, de l’organisation autonome des cadres, des intellectuels, des universitaires à l’organisation sérieuse des entrepreneurs et de toutes les corporations.
Pour que la vie des partis politiques ne soit pas qu’une lutte perpétuelle pour le positionnement interne.
Pour que la vie politique nationale ne soit pas mise en hibernation entre deux élections.
Pour que les militants des partis politiques ne soient pas pris en otage par des appareils qui se compromettent à négocier des privilèges indus.
Et pour que le pays ne soit pas en permanence mis en demeure de choisir entre la peste de la guerre civile et le choléra de la dictature politique ou religieuse.
L’autodétermination du peuple doit pouvoir s’inscrire en chaque chose petite et grande de la cité.
Pour que la politique redevienne un acte non coupé de la pratique citoyenne effective. Pour que chaque algérien apporte et assume sa part dans la construction et la sauvegarde de son pays. Une part qui ne peut se résumer au soutien apporté à une équipe de foot- ball ou à un drapeau accroché à un balcon.
Avec le déclenchement d’une dynamique de débat national qui porte sur les préoccupations quotidiennes des citoyens
Avec l’éclairage des intellectuels, des universitaires et des experts engagés auprès de leur société sur la base des préoccupations et des souffrances vécues par cette même société.
Avec la force de conviction et d’engagement des citoyens et des militants, et avec le retour de la confiance en soi et entre soi, le lien social et le lien politique seront de nouveau tissés.
Pour une assemblée constituante.
C’est seulement au terme d’une remobilisation citoyenne et politique des algériens que nous pourrons aborder l’ensemble du processus électoral devant aboutir à une refondation institutionnelle, qui remette les droits des citoyens, leur sécurité et leur développement ainsi que ceux du pays au cœur d’une constitution digne de ce nom, par ce que enfin issue d’une assemblée constituante librement élue par des algériens libres.
Ceux qui participeront à l’élaboration de ce processus seront les premiers algériens véritablement libres, et ceux qui seront partis avant, ne se seront pas battus pour rien.
Hocine .AIT AHMED
Le mardi 22 mars 2011
Le droit d’avoir des droits.
Les révolutions en cours en Tunisie et en Egypte, la magnifique leçon de courage, d’organisation et de détermination populaire qu’elles ont donné à voir au monde entier nous interpellent directement.
Les développements dramatiques que connait la légitime demande populaire de changement démocratique en Lybie ont révélé au monde les pics de sauvagerie dont sont capables des dictateurs fous n’ayant de compte, à rendre à personne. Et surtout pas à leurs peuples.
La crise algérienne s’inscrit naturellement dans le cadre des crises en cours. Pour autant, il n’est pas question de céder à une quelconque « contagion démocratique » dans l’explication et le traitement de chaque situation nationale.
Deux « constantes » émergent pourtant de l’ensemble des révolutions en cours dans la région : D’une part l’existence de régimes prédateurs, impopulaires et inaptes à porter la demande de liberté et de dignité de leurs populations. Et d’autre part une forte réaffirmation, par les peuples, du droit d’avoir des droits.
Les algériens, qui se sont de longue date inscrits dans le combat pour la démocratie et le changement de régime, ont pour cela payé un prix très lourd.
Si les mobilisations populaires tunisiennes et égyptiennes nous rappellent dans leurs prémices le »printemps démocratique » (89-91), le scandaleux bain de sang déclenché par El Gueddafi rappelle quant à lui la furie éradicatrice des années 90 qui a déchainé - à l’intérieur et à l’extérieur des institutions- des algériens contre d’autres algériens durant toute une décennie.
C’est pour que l’Algérie n’ait plus jamais à payer un tel prix pour la maitrise de son destin, qu’il incombe aux algériens, dans la diversité de leurs convictions et de leurs appartenances, d’indiquer clairement la voie de la construction politique en alternative à la voie de la confusion et de la violence.
Il est plus que jamais temps de mettre à nu les pratiques de dépolitisation et de désarmement moral propagées par les tenants de la violence.
Trop pressés de substituer leur agenda à celui de la société, ils ont voulu profiter de quelques confusions médiatiques soigneusement entretenues pour semer encore une fois le trouble.
A chaque fois que cela sera nécessaire il faudra apporter les clarifications indispensables à une véritable construction politique nationale, démocratique, populaire et pacifique.
Il serait grave d’oublier le lourd tribut payé par les algériens depuis des décennies. Grave de considérer ces années de terreur et de folie comme une « simple erreur de parcours » sur laquelle il faut pudiquement tourner la page. Croire cela possible c’est insulter autant l’humanité de ce peuple que son sens politique.
C’est sur un socle d’amnésies successives que les régimes autoritaires post- coloniaux ont bâti, en Afrique et dans les pays arabes, des légitimités factices. C’est sur ces amnésies que des générations de cliques arrogantes et prédatrices se sont arrogé le droit de cracher un révisionnisme insultant à l’égard de nations bafouées.
Le révisionnisme ne consiste pas seulement à nier les luttes populaires d’hier, il consiste également à refuser aux peuples de leur reconnaitre, aujourd’hui, les qualités de maturité, d’unité, de solidarité et de lucidité dont ils ont su être capables hier.
A trop vite oublier que les peuples ont une mémoire, que cette mémoire structure leurs adhésions et leurs rejets, les régimes finissent par perdre tout lien avec leurs sociétés.
Tous les peuples ont soif de liberté.
Tous les peuples ont soif d’égalité, de justice et de dignité.
Tous les peuples mènent des combats et les paient horriblement cher avant de les voir aboutir.
Il ya plus d’un siècle que les algériens ont entrepris leur longue marche vers la liberté et la dignité dans leur acception politique moderne. (La marche est ici entendue dans son sens de mise en mouvement d’une société engagée en profondeur et non pas un bref footing en ville)
Le rajeunissement nécessaire des élites, les nouvelles formes que prennent leurs luttes, l’extension du champ de leurs revendications, qui secoue le vieux fonds classique des combats de leurs aînés, ne doit pas servir à l’odieux dessein de couper les générations en tranches jetables. Le combat pour l’indépendance nationale et le combat pour la démocratie sont indissociables. Ceux qui ont cru que l’une pouvait faire l’économie de l’autre ont fait la preuve de leur échec.
Cette marche sans cesse contrariée vers la liberté s’inscrit dans les combats des peuples du monde pour la conquête de leur souveraineté et de leurs droits. Elle ne relève ni d’une spécificité religieuse ni d’un particularisme régional.
Elle procède d’un élan démocratique pour l’auto détermination collective et individuelle.
D’abord dans le cadre des luttes de libération nationale. Ensuite contre des régimes despotiques et corrompus.
Les luttes anti- coloniales ont abouti à des libérations inachevées. La liberté conquise de haute lutte par les peuples ne s’est pas inscrite dans des Etats, des institutions et des textes capables de les mettre à l’abri des forces hostiles à l’émancipation des peuples, des sociétés et des individus.
C’est la part confisquée de démocratie, de liberté, de souveraineté, de citoyenneté, de justice et d’égalité devant la loi dans la construction d’un véritable Etat de droit qui a troublé les lendemains des indépendances.
Et c’est cette part de liberté confisquée qui revient périodiquement, portée par de nouvelles générations, pour affirmer, haut et fort, que sans liberté des individus et des peuples il n’ya ni indépendance ni souveraineté nationale, ni développement économique, politique et social.
Cinquante ans après la proclamation de l’indépendance nationale, nous voici face aux mêmes absences : Absence d’un Etat de droit, absence de vie politique, absence de constitution digne de ce nom, absence d’institutions légitimes capables de protéger le peuple autant que le pays des abus et d’assurer son droit à vivre dans la liberté et la dignité.
A peine l’indépendance proclamée par le peuple algérien et reconnue par la puissance coloniale ; un régime oppressif n’a ni tergiversé ni hésité avant de confisquer cette indépendance en enterrant les rêves démocratiques, les droits et la liberté.
On ne peut pour autant mettre sur un même plan la détresse et les souffrances des algériennes et des algériens dépouillés au lendemain d’une liberté chèrement acquise et les imposteurs qui ont confisqué leur droit à l’autodétermination.
Ceux qui ont crié sebaa snin barakat ! en 1962 avaient raison d’exprimer leur lassitude, leur trop plein de souffrance et de sang, leur rejet des divisions, leur crainte des guerres de factions.
Mais ils avaient politiquement tort.
Tort de croire que les divergences politiques de fond se règlent par des embrassades.
Tort de croire que les promesses d’unité et de fidélité aux principes de la révolution peuvent se suffire de discours.
Tort de croire qu’une constitution n’est qu’une formalité sans conséquence.
Tort de croire que l’indépendance d’une nation et la souveraineté d’un peuple peuvent se suffire d‘une page sanglante vite tournée.
Mais ils avaient raison mille fois raison d’affirmer haut et fort que ce peuple a trop payé de son sang !
Des décennies plus tard, il est non seulement impératif de rappeler que le sang des algériens n’a que trop coulé, mais il est aussi impératif de rappeler que c’est aux institutions politiques qu’il appartient de veiller à ce que le recours à la violence ne soit plus la seule option laissée aux algériens.
Cela s’appelle le droit d’avoir des droits. Et cela s’adresse à tous.
Ici, il faut souligner les convergences de vues qui existent entre ceux qui ont choisi la voie de l’exclusion, à l’intérieur comme à l’extérieur des institutions.
Ni Etat intégriste ni Etat policier.
Le malheur de l’Algérie n’aurait pas été si sanglant, ni son désarroi si profond, si le choix de l’exclusion et de la violence n’avait été le fait que du pouvoir. Il se trouve que des courants au sein de la société se sont construits exclusivement sur l’apologie de l’exclusion et de la violence. Quel que soit le lourd soupçon de manipulation par le pouvoir réel qui pèse sur ces courants, il n’en demeure pas moins qu’une clarification de leur part demeure indispensable pour signifier clairement un saut qualitatif dans la formulation du sacré en politique.
Ce qui est sacré, ce n’est plus seulement le sang déjà versé, c’est aussi la construction d’un système politique qui rende sacrée la préservation du sang des algériens. Et cela ne sera possible que dans le cadre d’un Etat de droit, construit précisément par les gens pour respecter et faire respecter le droit des gens.
Il serait léger de croire qu’il suffirait de dissoudre des institutions ou des partis pour que sortent de leurs décombres d’autres institutions et d’autres partis tous prêts pour un usage démocratique.
Tort surtout de croire que l’union est dans le reflux du politique au profit du fusionnel. Les unions sacrées et les faux consensus ne donnent que de fausses solutions).
A chaque moment-clé de notre histoire nous avons été mis en demeure de choisir entre les instruments du politique et les illusions politiques. A chaque fois nous avons dit non aux illusions et avons mis en avant les instruments du politique.
Un Etat de droit, des institutions fortes de leur légitimité, une justice indépendante, des contre – pouvoirs efficaces, une vie politique démocratique réglée par un contrat national, social et politique qui garantisse les libertés individuelles et collectives au même titre qu’il se porte garant de la justice sociale.
Le droit à la sécurité, au travail, au logement, à une scolarité de qualité, à une santé de qualité, à une justice de qualité, à un environnement de qualité, à une vie culturelle de qualité sont des questions qui intéressent tout le peuple.
Et par ce que ces questions intéressent tout le monde, elles mettent en jeux des intérêts contradictoires.
Comment gérer ces contradictions ?
La révolte d’octobre 88 a porté ces questions à travers l’irruption de la jeunesse dans la rue. Le pouvoir a riposté avec sa violence habituelle en semant la mort et en recourant à la torture.
Les réformes politiques et économiques initiées de l’intérieur du régime, combattues avec violence à l’intérieur et à l’extérieur du régime n’ont pas permis d’éviter la guerre.
20 ans de violences, d’errements sécuritaires, politiques et économiques ; preuve est faite, que le primat du droit peut seul permettre une gestion pacifique de conflits d’intérêts contradictoires.
Nous croyons, pour notre part, que les contradictions se gèrent par la construction d’un rapport de force politique, basé sur les discussions, la négociation pacifique, l’arbitrage, et non réductible par la manipulation, la ruse et la violence.
Nous sommes, aujourd’hui encore, loin d’avoir remporté la bataille de la construction démocratique de la Nation et de l’Etat Algériens. Mais nous n’avons jamais été aussi proches d’en voir les prémisses, portés par des pans entiers de la société. Pour accélérer ce processus, certaines vérités doivent être dîtes.
Ce n’est pas seulement la peur qui se dresse devant la conquête du droit d’avoir des droits.
Casser le mur de la peur, cela n’est pas nouveau :
C’est ce qu’ont fait tout au long de ces années de braise et de sang tous ceux qui se sont levés pour dénoncer la dictature autant que le terrorisme.
Oser clamer haut et fort, en 1992, Ni Etat policier, Ni Etat intégriste, les militants du FFS et tous ceux qui se sont retrouvés à leurs cotés l’ont fait ; c’était autrement plus courageux et lucide de le faire à cette époque que ça ne l’est aujourd’hui, que la jonction des deux options se sont réalisés dans le régime politique en vigueur. Ces deux options sont aujourd’hui discréditées auprès de l’ensemble de la société algérienne.
Casser le mur de la peur :
C’est ce qu’ont fait les familles de disparus depuis des années en bravant la répression et les interdits.
C’est ce qu’ont fait les avocats qui les ont soutenues et aidé à porter leur combat dans toutes les arènes nationales et internationales.
C’est ce qu’ont fait les familles de victimes du terrorisme.
C’est ce qu’ont fait les jeunes de Kabylie en 2001.
C’est ce qu’ont fait les jeunes de Ghardaïa
C’est ce qu’ont fait les jeunes d’Ouargla
C’est ce qu’ont fait les jeunes des Aurès
C’est ce qu’ont fait les jeunes de l’Oranie
C‘est ce qu’ont les jeunes de Constantine.
C’est ce qu’ont fait les femmes de Hassi Messaoud traquées et violentées qui ont osé défier la loi de l’omerta.
C’est ce qu’ont fait les syndicats autonomes qui ont osé construire des rapports de forces en faveur des travailleurs depuis des années.
C’est ce qu’ont fait certaines associations… Et tous ces quartiers d’Algérie rendus furieux par la l’exclusion et la hogra…Et ces bataillons de Harragas…
Et même si cela n’a pas fait tomber le régime cela à participé à mettre en évidence ses tares et ses faillites.
Pour l’autodétermination du peuple algérien.
Il manque pourtant à toutes ces résistances à l’injustice, à la violence et à l’oppression un ancrage social plus large.
Il leur manque l’aide et le soutien de médias libres et crédibles
Il leur manque de se voir et de savoir ce qui les lie et ce qui les sépare et comment ne pas tomber dans les pièges de la division, de la dispersion et de la diversion…
Mais pour autant il serait vain de se mentir et de ne pas voir que le mur de la peur a été remplacé et aggravé au plus profond de la société par un mur de lassitude et de dégoût devant la vénalité et la vassalité des fausses élites imposées à l’ombre de la terreur, de la mafia politico-financière, des élections truquées, des médias sous haute surveillance.
Certes, la proximité des révolutions tunisienne et égyptienne donne un coup d’accélérateur à l’Histoire.
Certes, le contexte international du 21ème siècle ne peut plus se suffire des dictatures impopulaires et corrompues du siècle précédent.
Certes, une époque s’achève avec ses références et ses outils de domination. Une autre est en train d’émerger avec de nouveaux acteurs, de nouvelles générations et de nouvelles méthodes de lutte.
Et, plus que jamais auparavant, la libre auto- détermination des peuples est partout à l’ordre du jour.
C’est pour l’empêcher que des solutions illusoires sont montrées par les mêmes vieilles officines qui ont fait le malheur de ce pays. Des solutions qui mettent de nouveau de côté la mobilisation de la société et son organisation pacifique.
Il est des circonstances de l’histoire où il suffit d’un bulletin de vote pour exprimer l’auto-détermination d’un peuple.
C’est le cas pour mettre un terme à une guerre d’indépendance. Mais pour mettre fin à une guerre de décomposition sociale, l’autodétermination du peuple s’exprime par une large mobilisation de toutes les composantes de la société à l’intérieur de tous les cadres qui sont à sa portée.
Du collectif de quartier au mouvement syndical, de l’association écologique au mouvement d’étudiants et du mouvement des femmes pour leurs droits à celui des lycéens, des chômeurs, de l’organisation autonome des cadres, des intellectuels, des universitaires à l’organisation sérieuse des entrepreneurs et de toutes les corporations.
Pour que la vie des partis politiques ne soit pas qu’une lutte perpétuelle pour le positionnement interne.
Pour que la vie politique nationale ne soit pas mise en hibernation entre deux élections.
Pour que les militants des partis politiques ne soient pas pris en otage par des appareils qui se compromettent à négocier des privilèges indus.
Et pour que le pays ne soit pas en permanence mis en demeure de choisir entre la peste de la guerre civile et le choléra de la dictature politique ou religieuse.
L’autodétermination du peuple doit pouvoir s’inscrire en chaque chose petite et grande de la cité.
Pour que la politique redevienne un acte non coupé de la pratique citoyenne effective. Pour que chaque algérien apporte et assume sa part dans la construction et la sauvegarde de son pays. Une part qui ne peut se résumer au soutien apporté à une équipe de foot- ball ou à un drapeau accroché à un balcon.
Avec le déclenchement d’une dynamique de débat national qui porte sur les préoccupations quotidiennes des citoyens
Avec l’éclairage des intellectuels, des universitaires et des experts engagés auprès de leur société sur la base des préoccupations et des souffrances vécues par cette même société.
Avec la force de conviction et d’engagement des citoyens et des militants, et avec le retour de la confiance en soi et entre soi, le lien social et le lien politique seront de nouveau tissés.
Pour une assemblée constituante.
C’est seulement au terme d’une remobilisation citoyenne et politique des algériens que nous pourrons aborder l’ensemble du processus électoral devant aboutir à une refondation institutionnelle, qui remette les droits des citoyens, leur sécurité et leur développement ainsi que ceux du pays au cœur d’une constitution digne de ce nom, par ce que enfin issue d’une assemblée constituante librement élue par des algériens libres.
Ceux qui participeront à l’élaboration de ce processus seront les premiers algériens véritablement libres, et ceux qui seront partis avant, ne se seront pas battus pour rien.
Hocine .AIT AHMED
Le mardi 22 mars 2011
vendredi 18 mars 2011
Entrevue avec Kamal AMARI par Radio canada
Lundi 7 mars 2011 1 07 /03 /Mars /2011 18:31 Entrevue avec Kamal AMARI (The voice Magazine)
Entrevue avec Kamal AMARI, militant pour la démocratie en Algérie, ex-syndicaliste, membre fondateur et ex-vice-président de l’association culturelle Tahar Djaout de Tizi N’ Berber, actuellement résident permanent au Canada.
Voix du Maghreb
Grâce Au Génie De Son Peuple
Entrevue avec Kamal AMARI, militant pour la démocratie en Algérie, ex-syndicaliste, membre fondateur et ex-vice-président de l’association culturelle Tahar Djaout de Tizi N’ Berber, actuellement résident permanent au Canada.
Pour Mettre Fin À L’injustice
Toute notre jeunesse est dévouée à la lutte pour les libertés individuelles et collectives — ou en un mot pour l’application de la charte universelle des droits de l’Homme de 1948 — et donc aux luttes menées en Algérie pour mettre fin à l’injustice et à la dictature qui règne dans le pays depuis l’indépendance de 1962.
Les Événements
Les événements que je juge significatifs et que j'ai vécus sont : Le Printemps berbère de 1980, une première manifestation pacifique d’essence démocratique de l’Algérie indépendante suite à l’interdiction d’une conférence débat de l’universitaire, écrivain et romancier de renommée internationale Mouloud Mammeri. Ensuite, en 1985, il y a eu l’arrestation des militants des droits de l’Homme, suite à la création de la première section d’Amnistie internationale par le Dr Saïd Sadi, le leader de l’opposition au régime algérien, et Maître Ali Yahia Abdenour.
Octobre 1988: La révolution des Algériens a donné naissance à l’ouverture timide au multipartisme.
Cette même année, il y a eu la tentative d’assassinat du grand chanteur berbère Matoub Louanes.
Dans les années 1990, c’est le terrorisme qui a fait fuir l’élite algérienne à l’étranger et, bien sûr, le grand drame c’est l’assassinat des journalistes et intellectuels. Je peux citer quelques exemples tellement la liste est longue : le journaliste et romancier Tahar Djaout qui est assassiné en 1993, le professeur Boucebci, Belkhenchir, Stambouli, Smail Yefsah...
29 juin 1994 : Marche pour la vérité sur l’assassinat du président Mohamed Boudiaf en 1992, dans lequel il y a eu deux morts suite à l’explosion.
Ces événements sont des stimulateurs permettant d’espérer changer le cours des choses en militant pour l’instauration de la véritable démocratie en Algérie, en instituant un État de droit et des institutions fortes pour garantir l’autonomie de la justice, une école ouverte sur l’universalité, la séparation des pouvoirs, des élections libres et transparentes...
Et puis, il y a eu bien sûr l’assassinat de Maatoub Louanes, le 25 juin 1998, après avoir été kidnappé une première fois en 1994. Nous avons vécu les événements du Printemps noir de 2001 qui a fait plus d’une centaine de morts parmi les Kabyles, suite à la mort de Guermah Massinissa dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Beni Douela. Ce sont des événements qui ont failli emporter la nation algérienne et ont porté atteinte à son unité et sa cohésion sociale.
Voici les événements les plus significatifs ayant dessiné l’Algérie d’aujourd’hui, auxquels s’ajoutent les derniers événements de janvier 2011 — un vent de changement dans l’Afrique du nord et l’Orient.
Être Militant De La Démocratie Et Des Droits De l’Homme
Écoutez, être militant de la démocratie et des droits de l’Homme est une marque d’inquiétude. Si aucun danger ne guette mon pays, pourquoi tant de sacrifices ? Donc chacun, à mon avis, devrait agir selon sa conscience pour défendre les peuples opprimés. Un sacrifice s’impose. Il y a deux catégories d’hommes : ceux qui font l’Histoire avec un grand H et ceux qui font des histoires avec petit h. C’est là toute la différence.
Le militantisme est l’expression de notre inquiétude.
A mon avis, l’Algérie va s’en sortir grâce au génie de son peuple. Il existe le génie populaire. Et chaque peuple a son propre génie. Je pense que l’Algérie risque l’explosion et peut menacer sa cohésion, mais il existe une élite politique et sociale qui va orienter le peuple dans le sens de l’Histoire. Et c’est ce qui se fait actuellement. Les vrais patriotes sont en train de résister contre la dictature en Algérie et, en ce moment, une autre page d’Histoire est en train de s’écrire avec ce mouvement de libération des peuples opprimés et la coordination nationale pour le changement démocratique en Algérie (CNCD).
La meilleure chose que je constate actuellement est l’émergence d’une jeunesse rebelle qui est incorruptible et qui s’implique politiquement pour le changement de l’Algérie et pour mettre fin au bricolage instauré depuis 1962. Avec cette jeunesse, l’espoir est possible. Qui a le courage d’affronter le mur de la peur, en dehors de certains leaders politiques d’opposition comme Saïd Sadi et Maître Ali Yahia Abdenour et, bien sûr, des cadres syndicaux qui osent résister aux différentes pressions du régime ?
Le véritable capital d’espoir de l’Algérie c’est cette jeunesse qui a besoin d’encadrement, de formation, d’écoute...
(La suite, la semaine prochaine.)
Entrevue avec Kamal AMARI, militant pour la démocratie en Algérie, ex-syndicaliste, membre fondateur et ex-vice-président de l’association culturelle Tahar Djaout de Tizi N’ Berber, actuellement résident permanent au Canada.
Voix du Maghreb
Grâce Au Génie De Son Peuple
Entrevue avec Kamal AMARI, militant pour la démocratie en Algérie, ex-syndicaliste, membre fondateur et ex-vice-président de l’association culturelle Tahar Djaout de Tizi N’ Berber, actuellement résident permanent au Canada.
Pour Mettre Fin À L’injustice
Toute notre jeunesse est dévouée à la lutte pour les libertés individuelles et collectives — ou en un mot pour l’application de la charte universelle des droits de l’Homme de 1948 — et donc aux luttes menées en Algérie pour mettre fin à l’injustice et à la dictature qui règne dans le pays depuis l’indépendance de 1962.
Les Événements
Les événements que je juge significatifs et que j'ai vécus sont : Le Printemps berbère de 1980, une première manifestation pacifique d’essence démocratique de l’Algérie indépendante suite à l’interdiction d’une conférence débat de l’universitaire, écrivain et romancier de renommée internationale Mouloud Mammeri. Ensuite, en 1985, il y a eu l’arrestation des militants des droits de l’Homme, suite à la création de la première section d’Amnistie internationale par le Dr Saïd Sadi, le leader de l’opposition au régime algérien, et Maître Ali Yahia Abdenour.
Octobre 1988: La révolution des Algériens a donné naissance à l’ouverture timide au multipartisme.
Cette même année, il y a eu la tentative d’assassinat du grand chanteur berbère Matoub Louanes.
Dans les années 1990, c’est le terrorisme qui a fait fuir l’élite algérienne à l’étranger et, bien sûr, le grand drame c’est l’assassinat des journalistes et intellectuels. Je peux citer quelques exemples tellement la liste est longue : le journaliste et romancier Tahar Djaout qui est assassiné en 1993, le professeur Boucebci, Belkhenchir, Stambouli, Smail Yefsah...
29 juin 1994 : Marche pour la vérité sur l’assassinat du président Mohamed Boudiaf en 1992, dans lequel il y a eu deux morts suite à l’explosion.
Ces événements sont des stimulateurs permettant d’espérer changer le cours des choses en militant pour l’instauration de la véritable démocratie en Algérie, en instituant un État de droit et des institutions fortes pour garantir l’autonomie de la justice, une école ouverte sur l’universalité, la séparation des pouvoirs, des élections libres et transparentes...
Et puis, il y a eu bien sûr l’assassinat de Maatoub Louanes, le 25 juin 1998, après avoir été kidnappé une première fois en 1994. Nous avons vécu les événements du Printemps noir de 2001 qui a fait plus d’une centaine de morts parmi les Kabyles, suite à la mort de Guermah Massinissa dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Beni Douela. Ce sont des événements qui ont failli emporter la nation algérienne et ont porté atteinte à son unité et sa cohésion sociale.
Voici les événements les plus significatifs ayant dessiné l’Algérie d’aujourd’hui, auxquels s’ajoutent les derniers événements de janvier 2011 — un vent de changement dans l’Afrique du nord et l’Orient.
Être Militant De La Démocratie Et Des Droits De l’Homme
Écoutez, être militant de la démocratie et des droits de l’Homme est une marque d’inquiétude. Si aucun danger ne guette mon pays, pourquoi tant de sacrifices ? Donc chacun, à mon avis, devrait agir selon sa conscience pour défendre les peuples opprimés. Un sacrifice s’impose. Il y a deux catégories d’hommes : ceux qui font l’Histoire avec un grand H et ceux qui font des histoires avec petit h. C’est là toute la différence.
Le militantisme est l’expression de notre inquiétude.
A mon avis, l’Algérie va s’en sortir grâce au génie de son peuple. Il existe le génie populaire. Et chaque peuple a son propre génie. Je pense que l’Algérie risque l’explosion et peut menacer sa cohésion, mais il existe une élite politique et sociale qui va orienter le peuple dans le sens de l’Histoire. Et c’est ce qui se fait actuellement. Les vrais patriotes sont en train de résister contre la dictature en Algérie et, en ce moment, une autre page d’Histoire est en train de s’écrire avec ce mouvement de libération des peuples opprimés et la coordination nationale pour le changement démocratique en Algérie (CNCD).
La meilleure chose que je constate actuellement est l’émergence d’une jeunesse rebelle qui est incorruptible et qui s’implique politiquement pour le changement de l’Algérie et pour mettre fin au bricolage instauré depuis 1962. Avec cette jeunesse, l’espoir est possible. Qui a le courage d’affronter le mur de la peur, en dehors de certains leaders politiques d’opposition comme Saïd Sadi et Maître Ali Yahia Abdenour et, bien sûr, des cadres syndicaux qui osent résister aux différentes pressions du régime ?
Le véritable capital d’espoir de l’Algérie c’est cette jeunesse qui a besoin d’encadrement, de formation, d’écoute...
(La suite, la semaine prochaine.)
mercredi 16 mars 2011
Le clan d’Oujda continue à diviser les algériens
Par Saâd Lounès |
Dans les Etats arabo-africains post-coloniaux, les situations de crise extrême de régime ne mettent pas en jeu une confrontation entre institutions ou élus, mais entre peuples, clans, tribus, ethnies. Un retour implicite, irrationnel et brutal à la féodalité précoloniale et aux conflits moyenâgeux.
L’Algérie n’est pas entrée dans un scénario tunisien ou égyptien, d’un peuple uni contre un régime. Mais dans celui d’une rébellion anarchique en ordre dispersé, plus intéressée par la dilapidation de la rente que par des idéaux politiques. Elle se rapproche dangereusement des scénarios libyen et ivoirien, très proche d’une guerre civile, comme si elle était téléguidée vers cette issue tragique.
Le clan Laurent Gbagbo, chrétien évangélique, accuse Al Hassane Ouattara et ses partisans d’être burkinabés, donc étrangers à la Côte d’ivoire. Le clan Kadhafi bombarde son propre pays, paye des mercenaires, et menace ouvertement de monter les tribus les unes contre les autres jusqu’à la guerre civile et la partition de la Libye.
En Algérie, le clan d’Oujda reste, comme d’habitude, menteur, faussaire et hypocrite sur ses origines, ses intentions et son avenir. Il ne conçoit que deux scénarios, le maintien de son clan au pouvoir ou le chaos, la division du peuple et la partition de son immense territoire.(*)
Les semaines se suivent et se ressemblent pour les manifestants du samedi. La stratégie du clan d’Oujda reste la même depuis l’indépendance: empêcher les démocrates de «gagner la bataille d’Alger».
Depuis que des marocains, opposants à la monarchie alaouite, engagés politiquement avec le FLN, ont quitté leur pays pour «envahir» les institutions du nouvel Etat algérien indépendant, seuls des «kabyles de service», les «harkis du système», prêts à trahir leur berbérité, sont admis dans les coulisses du pouvoir.
Les autres, sourcilleux sur la revendication identitaire, sont combattus avec un acharnement meurtrier. Cela a commencé dès 1958 avec les assassinats et les trahisons (Abane Ramdane, Amirouche, …). Puis en 1963, avec l’exil ou l’emprisonnement des leaders historiques (Krim Belkacem, Hocine Ait-Ahmed,…).
De 1965 à 1978, Boumediene et sa main de fer, la Sécurité Militaire, héritière du MALG, contrôlée intégralement par les marocains du clan d’Oujda, surveilla étroitement les berbéristes en les laissant à peine respirer.
Une génération florissante de militants berbéristes, formée par le FFS d’Ait-Ahmed et le PRS de Boudiaf a été littéralement broyée par la SM. Le 1er printemps berbère d’avril 1980, puis le 2ème de 2001 ont été durement réprimés, étouffés… dans l’indifférence du reste du pays désinformé.
Le drame de la situation tragi-comique des algériens est qu’ils ignorent l’origine et l’histoire réelle des gouvernants de ce pays. Le pouvoir du clan d’Oujda est basé sur le mensonge et la falsification de l’Histoire que la presse aux ordres, formatée par le parti unique et encadrée par le DRS, hésite à transgresser, bien que soit venue l’heure des choix dramatiques que doit faire la Nation.
Peu d’algériens savent que le 1er Président de la République, Ahmed Ben Bella, est un tirailleur marocain déjà accusé, par Abane Ramdane, d’être un agent colonial infiltré dans le FLN.
Qui savait en 1965 que le nom du 2ème Président, le colonel Houari Boumediene, n’était qu’un pseudonyme et qu’il s’appelait en réalité Mohamed Boukharouba. Il a aussi caché ou effacé l’origine et le passé de son entourage politique et militaire, venant de l’armée des frontières au Maroc.
Qui sait si le 3ème Président, le colonel Chadli Bendjedid, né à Bouteldja à la frontière tunisienne est vraiment algérien ou plutôt tunisien ?
Qui sait encore que le 4ème Président, le général Liamine Zeroual, le seul à démissionner de son poste, est politiquement paralysé parce qu’il avait un frère harki qui a atteint le grade de général dans l’armée française et récemment décédé.
Qui sait enfin que le 5ème Président, Abdelaziz Bouteflika, est un marocain né à Oujda, alors que le site officiel de la présidence ne mentionne pas son lieu de naissance. De nombreux algériens croient encore qu’il est né à Tlemcen, comme cela est encore mentionné dans sa biographie sur le site de l’ONU, dont il fut en 1974, Président de l’Assemblée Générale.
Treize ministres du 1er gouvernement de Bouteflika en 1999 seraient nés à M’Sirda ou Tlemcen, la bonne blague. C’est du faux et usage de faux. Ils sont plutôt nés au Maroc et ont falsifié les registres d’actes de naissance.
Durant toutes les années de plomb jusqu’à la mort de Hassan II en 1999, les membres du clan d’Oujda ont continué à faire venir des membres de leurs familles du Maroc pour les intégrer dans les rangs de l’armée, la police ou l’administration, en falsifiant leur état-civil. Et qui sait si tous ces gens-là portent leur véritable nom.
Dans le listing gouvernemental, c’est très drôle de constater le sentiment de culpabilité qui précise l’origine des ministres nés à l’étranger.
Comme Nouredine Yazid Zerhouni «né en 1937 à Tabarka-Tunisie, originaire de Tlemcen», Chakib Khelil «né le 8 Août 1939 à Oujda-Maroc, originaire de Tlemcen», Daho Ould Kablia «né le 04 Mai 1933 à Tanger-Maroc originaire de Tlemcen», El Hadi Khaldi «né le 30 septembre 1956 à Tunis, originaire d'El Oued».
Zerhouni n’est pas né en Tunisie. Dans un article de Jeune Afrique, mentionnant qu’il est natif de Meknès, il révèle qu’il avait lui-même recruté en 1962 le général Mohamed Mediene, dit Toufik, patron du DRS, «lorsqu’il était sous-lieutenant d’artillerie», sans préciser dans quelle armée (?)
Cet aveu indique que Toufik fait bien partie intégrante du clan d’Oujda, et que dans les supposés conflits de l’armée avec Bouteflika, il gère des arbitrages avec les autres chefs militaires au profit de son clan.
Force est de constater que de tous les conflits d’autorité ou décisionnels survenus depuis 1999, notamment les élections, c’est toujours le clan d’Oujda qui en sort vainqueur.
Le clan d’Oujda a investi et verrouillé toutes les institutions de l’Etat : Administration, affaires étrangères, justice, police, presse, patronat,… Ainsi que les milieux culturels, comme l’université orpheline d’un Malek Bennabi ou d’un Mouloud Maameri, le théâtre orphelin d’un Kateb Yacine, le cinéma…
L’interdiction totalement anachronique de radios et télés privées dans un monde parabolisée est un crime infâme qui a empêché des générations d’algériens de s’exprimer, créer, faire carrière et s’émanciper.
Près de 50 ans de monopole du pouvoir, de répression et de corruption ont fait perdre aux élites civiles le sens des réalités dans les luttes politiques. On le re-découvre encore en ce premier week-end du mois de mars.
L’image donnée par le FFS à la salle Atlas se voulait unitaire avec d’autres partis maghrébins, mais elle est en fait ridicule, par son exclusion des partis algériens, notamment du RCD.
Le coup de couteau asséné à Said Sadi, qui s’est débarrassé de la garde rapprochée du DRS, est un message policier très clair: «sans notre protection, tu risques ta vie!»
Il est plus que temps pour les politiciens et les journaux de dire la vérité aux algériens afin de mettre un terme à une des plus grandes mystification de l’histoire politique.
Saâd Lounès
Dans les Etats arabo-africains post-coloniaux, les situations de crise extrême de régime ne mettent pas en jeu une confrontation entre institutions ou élus, mais entre peuples, clans, tribus, ethnies. Un retour implicite, irrationnel et brutal à la féodalité précoloniale et aux conflits moyenâgeux.
L’Algérie n’est pas entrée dans un scénario tunisien ou égyptien, d’un peuple uni contre un régime. Mais dans celui d’une rébellion anarchique en ordre dispersé, plus intéressée par la dilapidation de la rente que par des idéaux politiques. Elle se rapproche dangereusement des scénarios libyen et ivoirien, très proche d’une guerre civile, comme si elle était téléguidée vers cette issue tragique.
Le clan Laurent Gbagbo, chrétien évangélique, accuse Al Hassane Ouattara et ses partisans d’être burkinabés, donc étrangers à la Côte d’ivoire. Le clan Kadhafi bombarde son propre pays, paye des mercenaires, et menace ouvertement de monter les tribus les unes contre les autres jusqu’à la guerre civile et la partition de la Libye.
En Algérie, le clan d’Oujda reste, comme d’habitude, menteur, faussaire et hypocrite sur ses origines, ses intentions et son avenir. Il ne conçoit que deux scénarios, le maintien de son clan au pouvoir ou le chaos, la division du peuple et la partition de son immense territoire.(*)
Les semaines se suivent et se ressemblent pour les manifestants du samedi. La stratégie du clan d’Oujda reste la même depuis l’indépendance: empêcher les démocrates de «gagner la bataille d’Alger».
Depuis que des marocains, opposants à la monarchie alaouite, engagés politiquement avec le FLN, ont quitté leur pays pour «envahir» les institutions du nouvel Etat algérien indépendant, seuls des «kabyles de service», les «harkis du système», prêts à trahir leur berbérité, sont admis dans les coulisses du pouvoir.
Les autres, sourcilleux sur la revendication identitaire, sont combattus avec un acharnement meurtrier. Cela a commencé dès 1958 avec les assassinats et les trahisons (Abane Ramdane, Amirouche, …). Puis en 1963, avec l’exil ou l’emprisonnement des leaders historiques (Krim Belkacem, Hocine Ait-Ahmed,…).
De 1965 à 1978, Boumediene et sa main de fer, la Sécurité Militaire, héritière du MALG, contrôlée intégralement par les marocains du clan d’Oujda, surveilla étroitement les berbéristes en les laissant à peine respirer.
Une génération florissante de militants berbéristes, formée par le FFS d’Ait-Ahmed et le PRS de Boudiaf a été littéralement broyée par la SM. Le 1er printemps berbère d’avril 1980, puis le 2ème de 2001 ont été durement réprimés, étouffés… dans l’indifférence du reste du pays désinformé.
Le drame de la situation tragi-comique des algériens est qu’ils ignorent l’origine et l’histoire réelle des gouvernants de ce pays. Le pouvoir du clan d’Oujda est basé sur le mensonge et la falsification de l’Histoire que la presse aux ordres, formatée par le parti unique et encadrée par le DRS, hésite à transgresser, bien que soit venue l’heure des choix dramatiques que doit faire la Nation.
Peu d’algériens savent que le 1er Président de la République, Ahmed Ben Bella, est un tirailleur marocain déjà accusé, par Abane Ramdane, d’être un agent colonial infiltré dans le FLN.
Qui savait en 1965 que le nom du 2ème Président, le colonel Houari Boumediene, n’était qu’un pseudonyme et qu’il s’appelait en réalité Mohamed Boukharouba. Il a aussi caché ou effacé l’origine et le passé de son entourage politique et militaire, venant de l’armée des frontières au Maroc.
Qui sait si le 3ème Président, le colonel Chadli Bendjedid, né à Bouteldja à la frontière tunisienne est vraiment algérien ou plutôt tunisien ?
Qui sait encore que le 4ème Président, le général Liamine Zeroual, le seul à démissionner de son poste, est politiquement paralysé parce qu’il avait un frère harki qui a atteint le grade de général dans l’armée française et récemment décédé.
Qui sait enfin que le 5ème Président, Abdelaziz Bouteflika, est un marocain né à Oujda, alors que le site officiel de la présidence ne mentionne pas son lieu de naissance. De nombreux algériens croient encore qu’il est né à Tlemcen, comme cela est encore mentionné dans sa biographie sur le site de l’ONU, dont il fut en 1974, Président de l’Assemblée Générale.
Treize ministres du 1er gouvernement de Bouteflika en 1999 seraient nés à M’Sirda ou Tlemcen, la bonne blague. C’est du faux et usage de faux. Ils sont plutôt nés au Maroc et ont falsifié les registres d’actes de naissance.
Durant toutes les années de plomb jusqu’à la mort de Hassan II en 1999, les membres du clan d’Oujda ont continué à faire venir des membres de leurs familles du Maroc pour les intégrer dans les rangs de l’armée, la police ou l’administration, en falsifiant leur état-civil. Et qui sait si tous ces gens-là portent leur véritable nom.
Dans le listing gouvernemental, c’est très drôle de constater le sentiment de culpabilité qui précise l’origine des ministres nés à l’étranger.
Comme Nouredine Yazid Zerhouni «né en 1937 à Tabarka-Tunisie, originaire de Tlemcen», Chakib Khelil «né le 8 Août 1939 à Oujda-Maroc, originaire de Tlemcen», Daho Ould Kablia «né le 04 Mai 1933 à Tanger-Maroc originaire de Tlemcen», El Hadi Khaldi «né le 30 septembre 1956 à Tunis, originaire d'El Oued».
Zerhouni n’est pas né en Tunisie. Dans un article de Jeune Afrique, mentionnant qu’il est natif de Meknès, il révèle qu’il avait lui-même recruté en 1962 le général Mohamed Mediene, dit Toufik, patron du DRS, «lorsqu’il était sous-lieutenant d’artillerie», sans préciser dans quelle armée (?)
Cet aveu indique que Toufik fait bien partie intégrante du clan d’Oujda, et que dans les supposés conflits de l’armée avec Bouteflika, il gère des arbitrages avec les autres chefs militaires au profit de son clan.
Force est de constater que de tous les conflits d’autorité ou décisionnels survenus depuis 1999, notamment les élections, c’est toujours le clan d’Oujda qui en sort vainqueur.
Le clan d’Oujda a investi et verrouillé toutes les institutions de l’Etat : Administration, affaires étrangères, justice, police, presse, patronat,… Ainsi que les milieux culturels, comme l’université orpheline d’un Malek Bennabi ou d’un Mouloud Maameri, le théâtre orphelin d’un Kateb Yacine, le cinéma…
L’interdiction totalement anachronique de radios et télés privées dans un monde parabolisée est un crime infâme qui a empêché des générations d’algériens de s’exprimer, créer, faire carrière et s’émanciper.
Près de 50 ans de monopole du pouvoir, de répression et de corruption ont fait perdre aux élites civiles le sens des réalités dans les luttes politiques. On le re-découvre encore en ce premier week-end du mois de mars.
L’image donnée par le FFS à la salle Atlas se voulait unitaire avec d’autres partis maghrébins, mais elle est en fait ridicule, par son exclusion des partis algériens, notamment du RCD.
Le coup de couteau asséné à Said Sadi, qui s’est débarrassé de la garde rapprochée du DRS, est un message policier très clair: «sans notre protection, tu risques ta vie!»
Il est plus que temps pour les politiciens et les journaux de dire la vérité aux algériens afin de mettre un terme à une des plus grandes mystification de l’histoire politique.
Saâd Lounès
ENTRETIEN DU MOIS WILLIAM QUANDT Je ne suis pas si sur qu’il existe une exception algérienne…”
Entretien réalisé par Mohamed Chafik Mesbah
Pourquoi une exception algérienne ne peut exister…
Après une interruption de plus d’une année durant laquelle je n’ai cessé d’être interpellé par de nombreux lecteurs, je reprends, non sans émotion, la publication du supplément «l’Entretien du Mois». Un supplément lequel m’a procuré, il est vrai, la possibilité de rencontrer des personnalités nationales et internationales de premier plan pour débattre de problématiques des plus captivantes. Je remercie mes amis du «Soir d’Algérie», à commencer par Fouad Boughanem, égal à lui-même dans la constance de son comportement tout empreint de bonhomie, ces amis qui m’ont toujours ouvert les colonnes de leur journal, sans jamais interférer sur la substance ou la forme de mes interventions. Ce geste de solidarité ne peut être oublié. J’avais cessé la publication de ce supplément dans le souci de prendre du recul par rapport à l’actualité immédiate. Le silence observé- pourquoi le nier ? - était du, aussi, à un certain sentiment de lassitude. Le monde, dans son ensemble, évoluait à une vitesse presque frénétique tandis que l’état des choses dans mon cher pays demeurait, invariablement, le même, si tant est qu’il ne s’aggravait pas chaque jour davantage. Comment, dans ces conditions, ne pas céder à une dose, même infime, de désespérance ? Contre toute attente, c’est le «printemps arabe», volontiers raillé par certains de nos responsables institutionnels et autres de leurs thuriféraires qui m’a redonné la force de retourner à cette revivifiant activité intellectuelle.
Ce «printemps arabe» a réveillé en moi l’espoir de voir mon pays renouer, finalement, avec le mouvement impétueux de l’histoire et de prendre pied, avantageusement, dans le nouveau contexte de la mondialisation. Se peut-il, en effet, que le peuple algérien continue de rester en marge de l’histoire alors que renouent avec elle des peuples considérés comme dociles et soumis -quelle appréciation erronée ! – du peuple yéménite souvent méconnu jusqu’au grand peuple égyptien qui, selon le belle formule du Président Djamel Abdenasser, a décidé de «relever la tête». Voilà, donc, que la volonté populaire afflue comme un torrent intrépide pour chasser, les uns après les autres, ces dictateurs arabes patentés qui ont cru pouvoir braver la volonté de Dieu et les lois de la nature… C’est en ce moment précis que nos responsables officiels imaginent que le peuple algérien pourrait assister, impassible et sans frémir, à ces moments intenses de l’histoire du monde ! N’y allons pas par quatre chemins ! La conviction est, désormais, solidement ancrée en moi que le peuple algérien - qui n’est pas le «tube digestif» que se plaisent à décrire d’obscurs commis de l’Etat propulsés par accident aux avant-postes de la République- finira par imposer ses choix palpitants qui se rapportent à la prospérité sociale et économique mais, surtout, à la justice et à la dignité, bref à la démocratie. Le choix du système démocratique comme alternative au régime autoritariste et débridé actuel, en somme. Laissons, donc, des responsables publics déconnectés de la réalité sociale ergoter sur l’exception algérienne ! C’est bien pour m’assurer que cette exception ne pouvait exister que je me suis engagé à conduire, avec le professeur américain William Quandt, cet entretien pointilleux, destiné à convaincre ceux qui refusent de l’être, que l’Algérie n’est pas amarrée à la planète Mars mais à l’Univers vivant. Cet entretien est sensé pouvoir dégager une appréciation plus objective, car plus distanciée, de la situation en Algérie tout en offrant la possibilité d’accéder à la compréhension réelle par les Etats-Unis du cours des choses dans le monde arabe en général, en Algérie singulièrement. Le professeur William Quandt, rétorqueront d’aucuns, n’est pas la voix officielle des Etats-Unis. Sans doute. Comment, cependant, ne pas avoir présent à l’esprit les caractéristiques du processus de prise de décision stratégique aux Etats-Unis qui se fonde, en premier ressort, sur l’expertise académique disponible à profusion dans ce pays. Au niveau théorique, par conséquent, les traits saillants de la démarche américaine se retrouvent, parfaitement, dans le corps des réponses du Professeur William Quandt, par ailleurs, personnalité éminente s’il en fut et témoin autorisé d’épisodes historiques déterminants de l’histoire des Etats-Unis. Quel est, alors, le premier enseignement qui se dégage de la lecture attentive de l’entretien que j’ai eu le plaisir de conduire avec le Professeur William Quandt? Evoquant les processus politiques en cours au Maghreb et dans le monde arabe, il affirme sans détours qu’ «il ne saurait exister une exception algérienne». Sur quoi se fonde l’affirmation du Professeur William Quandt ? Sur le tableau commun à tous les pays maghrébins, d’abord, mauvaise gouvernance publique et régimes autoritaristes. Evoquant, plus particulièrement, l’état des lieux en Algérie, il livre un diagnostic sans complaisance : «mauvaise gouvernance publique, corruption et système éducatif médiocre». Il admet que l’Algérie dispose de ressources financières imposantes mais, aussitôt, usant de métaphore, il réduit la portée de ce qui a pu apparaitre comme un atout indiscutable. Il cite, en effet, un ami égyptien, parfait connaisseur de la réalité algérienne, qui lui aurait assuré qu’il fallait «travailler, vraiment, dur» pour arriver à dilapider un potentiel aussi important que celui de l‘Algérie ! De même lorsqu’il constate que l’exaspération populaire en Algérie ne s’est pas, encore cristallisée et qu’elle n’est pas dirigée contre la seule personne du Président de la République mais contre l’ensemble du «régime»,il n’en précise pas moins que notre pays est confrontée à une obligation impérieuse de passage de relais entre générations, celle en place étant en décalage manifeste par rapport à la moyenne d’âge de la population algérienne mais en déphasage, surtout, par rapport aux dispositions d’ouverture d’esprit qu’exige la bonne gouvernance, selon les canons du monde moderne. Lorsqu’il envisage les contraintes au défi démocratique en Algérie, le Professeur William Quandt énumère la qualité de la gouvernance - qu’il évalue, pour l’heure, déplorable-, le rôle de l’armée-affirmant, clairement, que les militaires se sont trop ,longtemps, accaparés du pouvoir-, le comportement du mouvement islamiste -estimant que le modèle c’est l’AKP turc qui accepte de se soumettre aux règles démocratiques et la capacité d’agir de la société civilesoulignant que son influence serait majeures si elle pouvait mieux s’organiser- . Son pronostic sur les chances d’une transition pacifique, sans heurts, en Algérie, parait, au total, réservé du moins mesuré. Le Professeur William Quandt semble se dérober, toutefois, lorsqu’il en vient à l’importance de l’influence américaine sur la conjoncture politique actuelle dans le monde arabe. Le projet de démocratisation du Grand Moyen Orient du Président Bush lui semble avoir constitué une manœuvre dilatoire pour détourner l’attention de l‘échec du processus de paix israélo-arabe. Il élude, totalement, l’aspect opérationnel de cette influence américaine, jugeant, notamment, insignifiante l’action de la constellation d’ONG qui constituent, pourtant, le bras armé la diplomatie. C’est à peine s’il concède que sur les militaires égyptiens l Etas Unis ont pu exercer une influence directe relative. Il souligne, avec une forme de contrariété face à l’insistance, que les peuples arabes se sont rendus à l’évidence, ce sont moins les Etats Unis et le Président Obama qui leur posent problème que leurs propres dirigeants. D’ailleurs, conclut-il, si la conjonction des deux, le potentiel de mobilisation populaire et le support extérieur, peuvent se combiner, c’est, indubitablement, le rapport de forces en situation interne qui reste déterminant. Au demeurant, le Professeur William Quandt recadre bien le contexte de l’analyse en précisant que l’Algérie qui n’est pas un Etat-pivot de la stratégie américaine, ne revêt pas pour les Etats Unis la même importance que l’Egypte ou l’Arabie Saoudite. Peut-être notre éminent académicien est-il là dans son rôle. Ce fut, au total, un moment de grande satisfaction que le déroulement de cet entretien avec le Professeur William Quandt. Je suis envieux pourquoi le cacher ?-du cadre de travail de cet éminent académicien américain et jaloux de la considération que lui témoignent les autorités de son pays. Tous ces facteurs lui permettent de produire des réflexions de haute qualité qui font référence, aux Etats-Unis comme au plan international. C’est à dessein que j’ai cité le cadre de travail du Professeur William Quandt et de l’intérêt que porte à ses travaux l’administration américaine. Par comparaison, comment ne pas déplorer le dédain dans lequel experts et universitaires algériens sont tenus par les pouvoirs publics dans notre pas, les institutions supposées produire de la réflexion stratégique étant elles mêmes condamnées à dormir de leur belle mort. Ce n’est pas là une offre de services comme pourraient l’imaginer des esprits malveillants. Je suis trop regardant à ma liberté et à mon amour propre. Ce n’est pas non plus une digression par rapport à la problématique centrale de cet entretien. Comment imaginer, en effet, une exception algérienne alors que le régime actuel veut se mettre à l’abri du mouvement de l’histoire tandis qu’il confine à une vie dérisoire, marginale, les meilleurs parmi l’élite nationale? Ce régime, croit-il pouvoir affronter le cours inexorable de l’histoire, croit-il pouvoir échapper au sort commun de tous les régimes arabes autoritaristes et obsolescents, en détournant le regard de la foi et l’intelligence qui animent l’élite du pays pour s’arque bouter, sans peur du ridicule, sur «diseuses de bonne aventure» et autres «joueurs de flûte» ?! Dieu, Grand Dieu qui êtes aux cieux, jetez votre voile protecteur sur notre patrie blessée, notre patrie si malmenée …D’ici là, attelons nous, sans trop tarder, à prendre connaissance des réponses concises mais percutantes du Professeur William Quandt. Ces réponses sont les bienvenues car elles agissent comme un signal d’alarme qui nous renvoie à une réalité que nous nous échinons à vouloir méconnaître.
Alger, le 13 mars 2011
Mohamed Chafik Mesbah
Bio-express du ProfesseurWilliam Quandt
Le Professeur William Quandt est né en 1941 à Los Angeles, en Californie. Marié à l’écrivaine Helena Cobban, avec qui il a une fille et deux petits enfants, il vit à Charlottesville, en Virginie. Le Professeur William Quandt a obtenu son BA en Relations Internationales à l'Université de Stanford en 1963 et son doctorat de Sciences Politiques du MIT (Massachusetts Institute of Technology) en 1968. Le Professeur William Quandt qui a travaillé dans le Département de Sciences Humaines de la Rand Corporation de 1968 à 1972 a enseigné, successivement, à l’UCLA de 1970 à 1971, au MIT (Massachusetts Institute of Technology) de 1973 à 1974 et de Maître Assistant en Sciences Politiques à l'Université de Pennsylvanie de 1974 à 1976. Le Professeur William Quandt a rejoint, de nouveau, en 1994, l'Université de Virginie, où il dirige, à ce jour, la chaire Edward R. Stettinius au Département de Politique. Le Professeur William Quandt a bénéficié de nombreuses bourses de recherche, notamment auprès du National Defense Education Act Fellowship, de 1963 à 1965, du Social Science Research Council International Fellowship, de 1966 à 1968 et du Council on Foreign Relations International Affairs Fellowship de 1972 à 1973. À deux reprises, de 1972 à1974 puis de 1977 à 1979, le Professeur William Quandt a été membre du Conseil de Sécurité Nationale et s’est, activement, impliqué dans les négociations qui ont débouché sur, respectivement, les accords de Camp David et le traité de paix égypto-israélien. De 2000 à 2003, le Professeur William Quandt a occupé la charge de Vice Provost for International Affairs à l’Université de Virginie et celle de Senior Fellow au titre du Programme d’Etude des Politiques étrangères au sein de la Brooking Institution ou il a conduit, notamment, une étude sur la politique américaine au Moyen-Orient. Le Professeur William Quandt qui a présidé, de 1987à 1988, the Middle East Studies Association (Association pour les Etudes sur le Moyen-Orient) a été, aussi, membre du Council on Foreign Relations (Conseil de Relations Etrangères), membre du Conseil d'Administration de l'Université Américaine du Caire et de la Foundation for Middle East Peace (Fondation pour la Paix au Moyen-Orient). Elu membre de l'Académie américaine des Arts et des Sciences, en 2004, le Professeur William Quandt a reçu, en 2005, la distinction dite « All-University Teaching Award » de l'Université de Virginie. Le Professeur William Quandt a écrit de nombreux livres ,en particulier, Peace Process: American Diplomacy and the Arab-Israeli Conflict Since 1967, (Brookings, 2005) ; : Between Ballots and Bullets: Algeria's Transition from Authoritarianism, (Brookings,1998); Camp David: Peacemaking and Politics, (Brookings, 1986); Decade of Decisions: American Foreign Policy Toward the Arab-Israeli Conflict, 1967-1976 ; The Middle East: Ten Years After Camp David, (Brookings, 1988) et,enfin, Revolution and Political Leadership: Algeria, 1954-1968, (MIT Press, 1969).
Itinéraire personnel :
Mohamed Chafik Mesbah: Merci, Professeur, d’avoir accepté cet entretien malgré une conjoncture particulière ou il peut être difficile, en effet, pour une personnalité américaine- même impliquée, seulement, dans la recherche académique- de s’exprimer librement…
William Quandt : Je n’ai aucune appréhension à parler ouvertement…
MCM : C’est par choix fortuit ou par vocation que vous avez embrassé la carrière académique ?
WQ : J'ai voulu étudier les affaires internationales et j’ai obtenu mon diplôme de doctorat dans cette discipline au Massachussetts Institute of Technology en 1968. J'ai passé environ la moitié de ma carrière d’enseignant à faire de la recherche universitaire, et l’autre moitié au sein de "think tank". J’ai consacré environ cinq ans de ma vie au service public, au sein de structures gouvernementales.
MCM : C’est, donc, une vocation ? C’est bien par passion pour le métier d’enseignant et celui de chercheur que vous avez emprunté ce chemin professionnel?
WQ : Mes parents étaient, tous deux, des enseignants. Je pense avoir grandi avec l'idée que l'enseignement était important. Je me suis intéressé aux affaires internationales après mon premier voyage au Japon alors que j’étais âgé de 16 ans.
MCM : Comment se présente, en règle générale, aux USA, le parcours d’un universitaire qui se consacre à la recherche dans les sciences politiques et sociales ?
WQ : Ce qui distingue le système universitaire américain, c’est sa flexibilité. J’ai pu passer de l’université aux "think tank" aux structures gouvernementales de manière aisée.
MCM: Comment, vous personnellement, en êtes-vous venu à vous intéresser au Maghreb. C’est un choix accidentel ou un choix émotionnel?
WQ : J’étudiais, en 1960-61, en France lorsque je me suis intéressé à la guerre de libération algérienne. Je suivais les événements quotidiennement. Plusieurs années plus tard, j’ai décidé de retourner en Algérie pour étudier ce qui s’était passé dans ce pays après son indépendance. J’ai passé l’année 1966-67 a Alger pour les recherches nécessaires à ma thèse de doctorat.
MCM : Quelle est, actuellement, la place du Maghreb dans l’enseignement académique au niveau des universités dans la réflexion appliquée au niveau des think thanks ? Quelles sont les principales universités ou think thanks de notoriété qui s’intéressent au Maghreb ?
WQ : L’université du Michigan, UCLA et, dans une certaine mesure, l’université de Virginie, montrent un certain intérêt pour le Maghreb. Il existe une association dénommée IAEM – l’Institut Américain pour les Etudes sur le Maghreb- il existe également de petits centres de recherches américain a Tunis, Oran et Tanger. Au titre des «think tank» connus, il existe Carnegie qui développe le meilleur programme à propos des réformes dans le monde arabe, Maghreb inclus. Le Groupe de Crise International «CRISIS group» est également très bon par sa production.
MCM : Quelle influence exerce l’expertise française sur les recherches académiques américaines ? Quelle importance occupe cette expertise dans le processus de décision officiel aux Etats-Unis ?
WQ : Je dirais que la majorité des experts américains ne sont pas réellement influencés par l’expertise française. Ceux, néanmoins, qui travaillant sur l’Afrique du Nord – un petit nombre- dépendent, grandement, de l’expertise française.
MCM : Il semblerait, cependant, que les Etats Unis veulent, désormais, disposer, à propos du Maghreb, de leur propre expertise …
WQ : Oui, jusqu’a un certain point. Mais la question n’est pas de grande importance. Il est, vraiment, difficile de trouver des fonds de recherche pour travailler au Maghreb. Il y, relativement, peu d’étudiants maghrébins dans les universités américaines. Peu d’étudiants américains, par ailleurs, étudient au Maghreb, à l’exception du Maroc.
MCM : Comment s’imbrique la production intellectuelle des universités et des think thanks dans les processus de prise de décision aux Etats Unis ?
WQ : Parfois cette production produit un certain impact, mais la plupart du temps l’effet reste marginal dans le processus de décision gouvernemental. Mais beaucoup de personnes passent des «think thank» au gouvernement et, en ce sens, ils peuvent exercer une influence directe.
MCM : Pardonnez-moi cette impertinence mais je ne pouvais éluder la question. Est-il exact que les services de renseignement américains s’appuient sur l’expertise des universitaires pour une exploitation optimale des informations accumulées ? Cela peut constituer, en effet, un gage de rigueur méthodologique mais n’y a-t-il pas un risque de confusion des genres ?
WQ : Selon mon expérience, cela n’est pas une chose commune. Cela arrive de temps en temps. Il y a un risque minime de confusion des rôles entre les analystes académiciens et les analystes du renseignement. Je pense qu’il est préférable de maintenir séparées les deux activités.
Le Maghreb, nouvel espace stratégique :
MCM : La situation actuelle au Maghreb ne peut être examinée hors son contexte méditerranéen. A propos de démocratisation justement, dans ce contexte géopolitique méditerranéen, le partenariat euro-méditerranéen entamé par l’Union Européenne à la faveur de la réunion de Barcelone en 1995 était sensé œuvrer à l’émergence des sociétés civiles dans le Sud de la Méditerranée. Cet objectif vous semble avoir été atteint?
WQ : Il n’est pas aisé pour moi de juger de cet aspect. Il existe des éléments de la société civile dans tous les pays du Maghreb. Mais ils semblent, relativement, de faible importance. Ce ne sont pas ces groupes qui on mené la protestation en Tunisie, même s’ils s’y sont ralliés. Les régimes semblent continuer a essayer d’empêcher l’émergence de groupes réellement indépendants et issus de la société civile.
MCM : Toujours dans cet environnement géopolitique, le dialogue méditerranéen initié, en 1994, par l’OTAN, par delà les aspects opérationnels de la coopération militaire, se proposait de contribuer à «civiliser» le positionnement institutionnel de l’armée. C’est un objectif qui vous semble atteint ?
WQ : Je n’ai pas beaucoup d’information, de premier ordre, sur ce sujet. Mais il me semble que la coopération anti-terroriste se met, efficacement, en place. MCM: Les Etats Unis, ont lancé, en 1988, l’initiative Eisenstadt qui visait à la création d’un marché commun maghrébin. Dans ce contexte, l’unité maghrébine est apparue comme une nécessité. Cet objectif vous semble être un préalable pour le développement économique harmonieux des pays concernés ?
WQ : L’unité maghrébine est loin d’être réalisée. Elle est nécessaire, cependant, et elle doit commencer par une amélioration des relations entre l’Algérie et le Maroc. Ce préalable ne semble pas prêt d’être satisfait à moins qu’un accord ne soit conclu à propos du conflit du Sahara Occidental. La politique entrave, en effet, des projets qui pourraient apporter une certaine efficacité économique.
MCM : Le conflit du Sahara Occidental constituerait le principal obstacle à la réalisation de l’unité maghrébine. Ce conflit régional représente une cause majeure de décolonisation ou refléte-t-il, simplement, d’une rivalité accessoire entre l’Algérie et le Maroc ?
WQ : Les origines du conflit sont liées au processus de décolonisation. Ce conflit est aggravé, cependant, par des rivalités entre les régimes des deux pays.
MCM : La zone sahélienne, importante pour le monde occidental, serait appelée à être érigée en «espace-tampon», un mur de protection pour le vieux continent contre les incursions des populations de l’Afrique profonde. C’est là que réside l’intérêt des Etats Unis pour cette région particulière ?
WQ : Je pense que l’Europe a plus intérêt que les Etats Unis à limiter l’immigration. L’intérêt des Etats-Unis semble être, plutôt, d’empêcher l’AQMI de se fortifier.
MCM : Globalement, les Etats-Unis sont-ils en compétition avec l’Union Européenne et, plus particulièrement la France, dans les deux espaces méditerranéen et maghrébin?
WQ : A mon avis, ce n’est pas le cas. Je pense que les Etats Unis acceptent, en règle générale, que l’Europe et la France exercent un rôle majeur dans la région.
Etat des lieux dans les pays du Maghreb :
MCM: Comment les Etats Unis observent-ils les pays du Maghreb ?
WQ : Globalement, le gouvernement américain est satisfait de ses relations avec les pays du Maghreb. Avec le Maroc, les relations son bonnes. Les récents développements en Tunisie ont été accueillis avec beaucoup d’enthousiasme. L’Algérie est toujours une sorte d’énigme, elle semble avoir un énorme potentiel inaccompli, mais, les relations entre Etats américain et algérien sont bonnes.
MCM : Examinons, par exemple, le poids de la croissance démographique dans les pays du Maghreb. S’agit-il d’un handicap ou d’un atout ?
WQ : Un handicap, étant donné le niveau élevé de chômage et l’exode migratoire.
MCM : Finalement, ces pays du Maghrebpris séparément ou ensemble- disposent-ils de ressources naturelles suffisantes pour sortir du sous-développement ?
WQ : Assurément.
MCM : La précarité sociale sévit, de manière plus ou moins marquée, dans chacun des pays du Maghreb. C’est un obstacle infranchissable pour sortir du sous-développement ?
WQ : Si vous accédez à vos droits politiques, vous pouvez régler vos problèmes sociaux.
MCM : Quel est le terreau dont se nourrit, dans les sociétés maghrébines, l’extrémisme politique, tous les extrémismes pas seulement l’extrémisme radical islamiste ?
WQ : La trop grande concentration du pouvoir chez un nombre réduit de personnes avec une corruption ,excessivement, répandue.
MCM : C’est dans la mauvaise gouvernance publique qu’il faut rechercher, par conséquent, les causes de cet état des lieux des plus dégradés ?
WQ : Certainement.
MCM : Vous êtes connu, tout particulièrement, pour vos travaux sur les élites maghrébines. Alors qu’un profond mouvement de transformation des systèmes politiques maghrébins se profile, que diriez-vous de la pertinence du rôle de ces élites aujourd’hui ?
WQ : C’est l’heure du changement, comme nous pouvons le voir en ce moment en Tunisie.
MCM : Ce renouvellement des élites, vous l’envisagez par rapport à l’âge, à la qualification intellectuelle ou à l’efficacité politique ?
WQ : Les trois facteurs, en même temps réunis, ce serait parfait.
MCM : Les processus en cours dans le monde arabe ont mis en relief le rôle déterminant joué par la jeunesse non embrigadée dans les partis classiques, non encadrés par les leaders politiques traditionnels, c’est un enseignement important à méditer?
WQ : La génération «Faceook» a montré une remarquable habilité à pouvoir se mobiliser et à faire descendre les gens dans la rue ; mais pour devenir une réelle force sur le long terme, cette génération doit affronter le défi qui consiste à organiser des partis politiques avec des programmes cohérents. Sinon le régime déchu réussira à diviser cette génération et à incorporer certains de ses représentants sinon d’en marginaliser d’autres.
MCM: Les moyens d’action politique ont changé eux aussi. Le recours aux réseaux sociaux (face book, twitter…), par rapport aux sociétés arabes, c’est, désormais, un fait de civilisation indiscutable, un mode de vie incontournable ou cela aura été un simple effet de mode ?
WQ : Ce qui a clairement changé dans les moyens d’action, c’est la possibilité qui s’offre aux peuples des différentes parties du monde arabe -et au-delà- de suivre, en direct, les événements extérieurs à leur propre pays. Ils sont, forcément, inspirés par ces événements. Quand la situation en Tunisie à explosé, un ami algérien qui était a Dubaï m’a envoyé ce message on ne peut plus symbolique : «aujourd’hui nous sommes tous tunisiens». Il convient de relever qu’«Al Jazeera», sur ce plan, a le même mérite que facebook.
La démocratie, une panacée ?
MCM : Au plan théorique, sous quel angle pourrait-on, envisager la problématique de la démocratisation du Maghreb ?
WQ : Ce n’est pas une panacée mais une garantie contre les régimes autoritaristes comme ceux de Ben Ali et d’El-Kadhafi.
MCM : Attardons-nous sur le lien éventuel entre démocratie et développement économique. Amartya Sen, le prix Nobel d’économie indien, avait estimé, s’appuyant, en particulier, sur le cas de l’Inde, que le système démocratique favorisait le développement économique. Ce lien de causalité vous parait évident ?
WQ : Pas nécessairement. Mais cela à d’autre vertes, et, comme le démontre la Turquie aujourd’hui, les deux peuvent très bien aller ensemble.
MCM : Comme en témoignent, les discours respectifs des Présidents Bush et Obama, la doctrine diplomatique des Etats-Unis stipule, explicitement, que la démocratie constitue le meilleur rempart contre la violence. Ce principe vous semble vérifié ?
WQ : Sur le long terme, oui ce principe est fondé. Mais le processus de démocratisation prend du temps et peut produire un certain niveau de tension sociale. Mais une fois établi, le système démocratique est, relativement, paisible.
MCM : Les contraintes liées au comportement des forces armées et à celui du mouvement islamiste sont évoquées, dans certaines analyses, comme un obstacle potentiel à un éventuel processus de démocratisation. Commençons par le mouvement islamiste, c’est un simple épouvantail brandi par les pouvoirs publics ou une menace sérieuse pour le processus démocratique ?
WQ : Cela dépend beaucoup de la nature du mouvement Islamiste. Ali Belhadj, le leader du FIS, ne croyait pas en la démocratie .Le problème résidait là. Par contre, l’AKP en Turquie a foi en la démocratie et permet de vérifier, que les deux, parti islamiste et démocratie, peuvent coexister.
MCM : Dans le même esprit, quid du statut et du rôle de l’institution militaire ? La propension des militaires à vouloir s’ingérer dans la vie politique vous parait une donnée persistante ou une réalité dépassée?
WQ : Le rôle des militaires peut constituer un grave problème. Habitués à dominer la scène politique en en tirant dividendes économiques, il ne sera pas aisé de les pousser dehors comme nous avons à le voir en Egypte.
MCM: Les Etats Unis seraient intéressées à favoriser un processus politique ou le mouvement islamiste et l’armée, cote à cote, constitueraient le socle d’un processus démocratique pragmatique et assimilable par les sociétés concernées. Une démarche inspirée par le modèle turc. Cela vous parait une approche vérifiée ?
WQ : C’est un modèle possible, pas l’unique modèle. Si les laïcs était mieux encadrés et mieux organisés, ils pourraient jouer un rôle national majeur.
La politique américaine face aux défis de la démocratisation dans les pays du Maghreb :
MCM: L’annonce, en 2003, du projet de démocratisation du monde arabe "Great Middle East Initiative" -étendu, aussitôt, à l’Afrique du Nord- a constitué, de toute évidence, un tournant dans la politique étrangère américaine. Brièvement, quels sont les fondements théoriques et pratiques de cette initiative ?
WQ : Un questionnement sans importance. C’est, pour l’essentiel, un effet de propagande destiné à détourner l’attention de l’impasse arabo-israélienne.
MCM: Le discours du Caire que le Président Obama a prononcé en 2009 semble être, pourtant, une reprise, en plus adapté, du projet républicain (the "Great Middle East Initiative") …
WQ : Le but principal du discours du Caire était de présenter une nouvelle image sur la manière dont les Etats Unis s’engageaient vis-à-vis du monde arabe et musulman, un engagement basé sur «les intérêts communs et le respect mutuel». Un engagement envisagé en termes diplomatiques pas militaires. Le principe est de procurer un support aux reformes, mais sans intervention extérieure directe sur le processus. L’objectif pour le Président Obama consistait à délivrer un message pour signifier une nouvelle attitude après celle connue durant les années Bush. J’étais a Damas quand le Président Obama a prononcé son discours ; j’avais rencontré, alors, un ami syrien et des officiels du Hamas qui m’avaient, tous, affirmé : «ce sont de bons mots mais nous attendrons de voir ce qu’il en adviendra». ils attendent toujours, me semble-t-il…
MCM: Il est remarquable que les Etats Unis, habituellement, vilipendés par l’opinion publique arabe en des moments d’intense émotion comme ceux que vit la région soient ainsi épargnés. C’est le résultat de l’mage personnelle du Président Obama -noir, ayant une ascendance musulmane-ou le résultat d’une adaptation de la politique américaine ?
WQ : Je pense que beaucoup de personnes dans le monde arabe restent frustrés par rapport à la politique américaine en général et par rapport a Obama lui-même. Mais ils ont compris que leur problème principal , aujourd’hui, n’est pas en Amérique mais, plutôt, au niveau de leurs propres dirigeants.
MCM: Quels sont les objectifs cachés, je dis bien cachés, de cette politique volontariste des Etats-Unis ? Par delà la démocratisation, quels objectifs visent-ils en rapport avec leurs intérêts stratégiques ?
WQ : Si les objectifs sont cachés, je n’en sais donc rien. Il peut effectivement y avoir des tensions entre intérêts stratégiques et démocratie, comme au Bahreïn et en Arabie Saoudite. Mais, ailleurs, en Tunisie, et en Egypte, c’est au vrai sens que la démocratie apportera aux deux peuples des améliorations-substantielles.
MCM : Les Etats-Unis disposeraient d’un modèle théorique qu’ils appliqueraient, chaque fois que de besoin, pour faire déloger les dictateurs. Un modèle déjà expérimenté avec succès en Serbie, en Géorgie et en Ukraine et qui reposerait sur un bréviaire, le livre détonnant de Gene Sharpe, "From dictatorship to democracy". Quel crédit accorder à cette version des faits?
WQ : C’est, vraiment, sans importance.
MCM: Vous voulez dire que c’est la volonté des peuples qui façonne l’histoire nationale, pas les interférences étrangères ?
WQ : Les deux, influence étrangère et volonté populaire, sont importants. Mais je suis frappé par la propensions des régimes impopulaires, comme ceux de Moubarak, de Ben Ali et d’El Kadhafi à blâmer les interventions étrangères dans les troubles intervenus, alors que le vrai problème c’est qu’ils ont perdu le soutien de leurs peuples.
MCM: Quels rapports entretiennent avec les instances officielles américaines, la constellation d’organisations non gouvernementales qui évoluent dans le sillage de ce projet de démocratisation de l’univers du monde ? C’est, comme il est souvent affirmé, le bras armé de la diplomatie américaine ?
WQ : un rôle infime.
MCM: Rappelez- vous, cependant, que c’est en s’inspirant de ce modèle de «Révolution pacifique» et en s’appuyant sur la constellation d’ONG évoluant autour de la problématique de la démocratie, que les Etats Unis ont joué un rôle essentiel dans la destitution du dictateur serbe Milosevic. L’opinion publique arabe n’en croira pas un mot si vous voulez affirmer que les Etats Unis suivent en spectateurs les processus politiques en cours au Maghreb…
WQ : Je ne dis pas qu’il n’y a aucun intérêt pour les Etats Unis par rapport aux processus qui se déroulent, mais je ne pense pas que les Etats Unis soient en train de jouer un rôle majeur. En Egypte, l’implication a été plus significative particulièrement avec les militaires Egyptiens sur lesquels les Américains disposaient, dans une certaine mesure, d’une influence directe.
MCM: Quels enseignements tirer des récents processus démocratiques de Tunisie et d’Egypte. Faut-il s’attendre, pour tout le monde arabe, à un rapide «effet domino» ?
WQ : Une question bien trop vaste pour qu’il y soit répondu brièvement. J’espère que la Lybie suivra, et il pourrait y avoir des pressions pour des reformes ailleurs. Le message délivré par les précédents tunisien et égyptien c’est que les peuples en ont marre de la mauvaise gouvernance !
MCM : La situation en Libye semble, néanmoins, évoluer, différemment, des scénarios tunisien et égyptien. Cela tient plus aux particularités de la société libyenne ou à la nature du régime libyen que personnalise Mouammar El Kadhafi ?
WQ : Société différente, leader différent et rentes pétrolières…
MCM: Avec ce souffle démocratique puissant qui, l’un après l’autre, fait tomber les dictateurs arabes, quelle sera, demain, la physionomie géopolitique de cette région du monde ? Quelles incidences sur la paix et la sécurité dans le monde ?
WQ : Question trop large, qui fait appel à trop de spéculation. Il n’en reste pas moins, tout compte fait, que la région du Maghreb et le monde gagneront à l’enracinement de la démocratie au Moyen Orient.
MCM: Les changements substantiels qui affectent les régimes du monde arabe ne vont-ils pas contraindre Israël à revoir sa doctrine de sécurité pour s'adapter à ce nouveau contexte qui peut autant faciliter que compromettre la paix ?
WQ : Face aux changements spectaculaires qui se se déroulent autour d’Israël, les leaders de ce pays semblent paralysés. Cela pourra changer avec le temps, mais les divisions internes au sein de la classe politique israélienne, la faiblesse du «camp pour la paix» dans ce pays et la faiblesse de Netanyahu dans son leadership ne semblent pas indiquer qu’il existe, pour le moment, plus de chance pour l’émergence d’une «nouvelle pensée» en Israël.
MCM: Dans ce sillage, faut-il partager l'avis selon lequel les processus politiques en cours dans le monde arabe ont, d'ores et déjà, disqualifié autant l'islamisme radical que le nationalisme émotionnel ,deux principales causes d'inquiétude pour Israël ?
WQ : Je pense qu’il est trop tôt pour tirer des conclusions. Une Egypte plus démocratique sera moins encline à coopérer avec Israël réprimant les Palestiniens. Une Egypte ou les frères musulmans gagneraient plus de voix soutiendra, probablement, plus Hamas. Israël a des raisons pour s’inquiéter même si elle reste, militairement, plus forte par rapport à n’importe quelle combinaison de forces, alentour. Peut être que le bon sens prévaudra et Israël réalisera que le moment est venu pour faire une offre généreuse à la fois pour la Syrie et pour les Palestiniens. Mais j’en doute.
A propos du cas particulier de l’Algérie :
MCM : Dans le cas particulier de l’Algérie, voilà un pays, dirions-nous, qui dispose de richesses naturelles exceptionnelles et d’un potentiel humain de qualité, même d’un positionnement géographique des plus favorables. Comment expliquer que le pays ne décolle pas?
WQ : Mauvaise gouvernance, corruption, système d’éducation médiocre.
MCM : Vous ne trouvez pas que c’est là un jugement sévère, presque sans appel…
WQ : Non, toutes ces choses peuvent changer. Pour faire avancer les choses, l’Algérie dispose des ressources matérielles nécessaires et du capital humain indispensable. Mais il y a, tellement, eu de gaspillage. Un ami égyptien ayant une grande expérience de l’Algérie m’a affirmé, tout récemment : «il faut vraiment travailler dur pour gâcher les choses dans un pays comme l’Algérie qui a tellement de potentiel !» il y a quelque vérité dans cette observation de bon sens.
MCM : Par rapport aux intérêts stratégiques des Etats-Unis, quelle importance peut revêtir l’avenir de l’Algérie ?
WQ : Un pays important, mais pas parmi les plus importants qui restent, pour les Etat Unis, l’Egypte, Israël, l’Arabie Saoudite, la Turquie et l’Iran…
MCM : L’opinion publique en Algérie n’est pas loin de considérer que les Etats Unis pour des considérations d’intérêt stratégique se montrent plutôt complaisants avec les autorités du pays. Assurément, le ton, au moins, est moins sévère que celui utilisé avec Les anciens Présidents Ben Ali et Moubarak. Comment comprendre cette inflexion -qui peut être, en effet, purement tactique- dans la démarche des Etats Unis?
WQ : Vous avez raison d’affirmer que les Etats Unis n’ont pas autant mis l’accent sur les manquements des leaders algériens par rapport à leurs mises en garde dans les de Ben Ali et de Moubarak. Je pense qu’il existe plusieurs raisons à cela. Premièrement, le peuple algérien n’a pas encore manifesté son mécontentement de manière claire ; deuxièmement, il existe des soupapes de sécurité en Algérie – telle la presse qui favorisent l’expression du mécontentement, à l’opposé, par exemple, de la Tunisie sous Ben Ali ; troisièmement, le président Bouteflika garde un certain crédit pour avoir clos le «chapitre noir» des années 90. Enfin, derrière le président en Algérie il existe «le pouvoir», il n’est pas aisé de concentrer les tirs sur une seule personne comme en Egypte, en Tunisie ou en Libye.
MCM: L’Algérie, d’importance secondaire, n’a pas vocation, donc, à être un «Etat-pivot» dans la stratégie américaine ?
WQ : Par le passé, ayant eu à écrire un article sur l’Algérie «Etatpivot » d’un point de vue américain, j’avais conclu que l’Algérie n’était pas comparable aux autres pays classés dans la liste des «Etats pivots» comme l’Inde, le Pakistan, le Brésil, l’Egypte, la Turquie et l’Iran. Bien évidement l’Algérie est un pays important, mais les Etats Unis ne le traitent pas comme un allié. A quand remonte la dernière visite du président Bouteflika à Washington DC ? Au début des années Bush si j’ai bonne mémoire. J’imagine aisément le président Obama visiter le Maroc et la Tunisie avant qu’il ne s’arrête en l’Algérie. J’aurais aimé que les deux nations américaine et algérienne soient plus proches, mais elles ne le sont pas.
MCM : Par rapport à trois questions essentielles, le règlement du conflit du Sahara Occidental, la normalisation des rapports avec Israël et la définition d’un statut juridique des hydrocarbures, avantageux pour les compagnies pétrolières américaines, la démarche de l’Algérie, sous la présidence de M. Abdelaziz Bouteflika, a-t-elle été favorable aux intérêts américains?
WQ : La meilleure chose qu'il ait faite c’est bien d’avoir clos l’ère de la violence interne.
MCM: Vous pensez, vraiment, que le spectre de la violence est dépassé en Algérie ?
WQ : Je suis sur que les gens sont toujours inquiets du retour éventuel de la violence politique. La situation actuelle semble nettement meilleure par rapport à celle qui prévalait au milieu des années 90.Lorsque je visitais, en ce temps, l’Algérie j’étais accompagné de gardes armés. Lors de ma dernière visite qui remonte à 2007, j’avais senti que j’étais dans un pays quasiment normal. Quel progrès…
MCM : La gestion algérienne du phénomène islamiste, précisément, vous parait avoir été une expérience probante ?
WQ : Les circonstances en Algérie sont très particulières, il n’est pas certain que ce soit un cas d’école. Rétrospectivement, la décennie des années 90 semble constituer une énorme tragédie avec une perte incommensurable de vies humaines et de ressources.
MCM: Et que diriez vous du rôle joué par l’institution militaire depuis la révolte populaire du 5 octobre 1988?
WQ : L’institution militaire a joui de trop de pouvoir pendant trop longtemps…
MCM: L’Algérie souffre d’un manque chronique, le vide politique illustré par l’absence d’élite politique efficiente. La responsabilité en revient aux obstructions posées par un régime on ne peut plus autoritariste ou à la démission des acteurs politiques et sociaux eux-mêmes ?
WQ : C’est le régime avec les dividendes qu’il collecte de la rente pétrolière qui est devenu le problème.
MCM : Au regard de l’état des lieux en Algérie, sous-développement structurel mais réserves financières imposantes, vous diriez que l’Algérie, dans le contexte arabe actuel, est à l’abri d’un «effet domino» ? Vous pensez qu’il pourrait se vérifier une exception algérienne ?
WQ : Je ne suis pas si sure qu’il y ait une exception algérienne. Cela dépendra énormément de la manière dont se déroulera la succession du Président Bouteflika. Selon qu’elle sera, strictement, contrôlée par les militaires, selon qu’elle s’accompagne de divisions ou selon qu’elle donne lieu à une compétition sincère. Autrement, toutes les frustrations qui existaient en Tunisie et en Egypte sont présentes en Algérie.
MCM : A court et moyen terme, quel serait votre pronostic sur l’évolution de la situation en Algérie ?
WQ : Un changement lent concernant pour le futur immédiat, mais la possibilité d’un changement plus rapide pour la période post-Bouteflika. Il y a un facteur favorisant pour un changement générationnel dans le leadership algérien au sein duquel l’âge moyen des dirigeants est très avancé, majoritairement autour de 70 ans. Donc le pouvoir pourra passer, éventuellement, à une nouvelle génération de dirigeants qu’il faut espérer seront plus éclairées que leurs prédécesseurs.
MCM : Merci beaucoup Professeur d’avoir consacré à l’opinion publique de mon pays de votre temps précieux…
WQ : Je vous en prie. Transmettez, je vous prie, tous mes meilleurs sentiments à vos lecteurs, les sentiments d’un ami de longue date de l’Algérie.
Pourquoi une exception algérienne ne peut exister…
Après une interruption de plus d’une année durant laquelle je n’ai cessé d’être interpellé par de nombreux lecteurs, je reprends, non sans émotion, la publication du supplément «l’Entretien du Mois». Un supplément lequel m’a procuré, il est vrai, la possibilité de rencontrer des personnalités nationales et internationales de premier plan pour débattre de problématiques des plus captivantes. Je remercie mes amis du «Soir d’Algérie», à commencer par Fouad Boughanem, égal à lui-même dans la constance de son comportement tout empreint de bonhomie, ces amis qui m’ont toujours ouvert les colonnes de leur journal, sans jamais interférer sur la substance ou la forme de mes interventions. Ce geste de solidarité ne peut être oublié. J’avais cessé la publication de ce supplément dans le souci de prendre du recul par rapport à l’actualité immédiate. Le silence observé- pourquoi le nier ? - était du, aussi, à un certain sentiment de lassitude. Le monde, dans son ensemble, évoluait à une vitesse presque frénétique tandis que l’état des choses dans mon cher pays demeurait, invariablement, le même, si tant est qu’il ne s’aggravait pas chaque jour davantage. Comment, dans ces conditions, ne pas céder à une dose, même infime, de désespérance ? Contre toute attente, c’est le «printemps arabe», volontiers raillé par certains de nos responsables institutionnels et autres de leurs thuriféraires qui m’a redonné la force de retourner à cette revivifiant activité intellectuelle.
Ce «printemps arabe» a réveillé en moi l’espoir de voir mon pays renouer, finalement, avec le mouvement impétueux de l’histoire et de prendre pied, avantageusement, dans le nouveau contexte de la mondialisation. Se peut-il, en effet, que le peuple algérien continue de rester en marge de l’histoire alors que renouent avec elle des peuples considérés comme dociles et soumis -quelle appréciation erronée ! – du peuple yéménite souvent méconnu jusqu’au grand peuple égyptien qui, selon le belle formule du Président Djamel Abdenasser, a décidé de «relever la tête». Voilà, donc, que la volonté populaire afflue comme un torrent intrépide pour chasser, les uns après les autres, ces dictateurs arabes patentés qui ont cru pouvoir braver la volonté de Dieu et les lois de la nature… C’est en ce moment précis que nos responsables officiels imaginent que le peuple algérien pourrait assister, impassible et sans frémir, à ces moments intenses de l’histoire du monde ! N’y allons pas par quatre chemins ! La conviction est, désormais, solidement ancrée en moi que le peuple algérien - qui n’est pas le «tube digestif» que se plaisent à décrire d’obscurs commis de l’Etat propulsés par accident aux avant-postes de la République- finira par imposer ses choix palpitants qui se rapportent à la prospérité sociale et économique mais, surtout, à la justice et à la dignité, bref à la démocratie. Le choix du système démocratique comme alternative au régime autoritariste et débridé actuel, en somme. Laissons, donc, des responsables publics déconnectés de la réalité sociale ergoter sur l’exception algérienne ! C’est bien pour m’assurer que cette exception ne pouvait exister que je me suis engagé à conduire, avec le professeur américain William Quandt, cet entretien pointilleux, destiné à convaincre ceux qui refusent de l’être, que l’Algérie n’est pas amarrée à la planète Mars mais à l’Univers vivant. Cet entretien est sensé pouvoir dégager une appréciation plus objective, car plus distanciée, de la situation en Algérie tout en offrant la possibilité d’accéder à la compréhension réelle par les Etats-Unis du cours des choses dans le monde arabe en général, en Algérie singulièrement. Le professeur William Quandt, rétorqueront d’aucuns, n’est pas la voix officielle des Etats-Unis. Sans doute. Comment, cependant, ne pas avoir présent à l’esprit les caractéristiques du processus de prise de décision stratégique aux Etats-Unis qui se fonde, en premier ressort, sur l’expertise académique disponible à profusion dans ce pays. Au niveau théorique, par conséquent, les traits saillants de la démarche américaine se retrouvent, parfaitement, dans le corps des réponses du Professeur William Quandt, par ailleurs, personnalité éminente s’il en fut et témoin autorisé d’épisodes historiques déterminants de l’histoire des Etats-Unis. Quel est, alors, le premier enseignement qui se dégage de la lecture attentive de l’entretien que j’ai eu le plaisir de conduire avec le Professeur William Quandt? Evoquant les processus politiques en cours au Maghreb et dans le monde arabe, il affirme sans détours qu’ «il ne saurait exister une exception algérienne». Sur quoi se fonde l’affirmation du Professeur William Quandt ? Sur le tableau commun à tous les pays maghrébins, d’abord, mauvaise gouvernance publique et régimes autoritaristes. Evoquant, plus particulièrement, l’état des lieux en Algérie, il livre un diagnostic sans complaisance : «mauvaise gouvernance publique, corruption et système éducatif médiocre». Il admet que l’Algérie dispose de ressources financières imposantes mais, aussitôt, usant de métaphore, il réduit la portée de ce qui a pu apparaitre comme un atout indiscutable. Il cite, en effet, un ami égyptien, parfait connaisseur de la réalité algérienne, qui lui aurait assuré qu’il fallait «travailler, vraiment, dur» pour arriver à dilapider un potentiel aussi important que celui de l‘Algérie ! De même lorsqu’il constate que l’exaspération populaire en Algérie ne s’est pas, encore cristallisée et qu’elle n’est pas dirigée contre la seule personne du Président de la République mais contre l’ensemble du «régime»,il n’en précise pas moins que notre pays est confrontée à une obligation impérieuse de passage de relais entre générations, celle en place étant en décalage manifeste par rapport à la moyenne d’âge de la population algérienne mais en déphasage, surtout, par rapport aux dispositions d’ouverture d’esprit qu’exige la bonne gouvernance, selon les canons du monde moderne. Lorsqu’il envisage les contraintes au défi démocratique en Algérie, le Professeur William Quandt énumère la qualité de la gouvernance - qu’il évalue, pour l’heure, déplorable-, le rôle de l’armée-affirmant, clairement, que les militaires se sont trop ,longtemps, accaparés du pouvoir-, le comportement du mouvement islamiste -estimant que le modèle c’est l’AKP turc qui accepte de se soumettre aux règles démocratiques et la capacité d’agir de la société civilesoulignant que son influence serait majeures si elle pouvait mieux s’organiser- . Son pronostic sur les chances d’une transition pacifique, sans heurts, en Algérie, parait, au total, réservé du moins mesuré. Le Professeur William Quandt semble se dérober, toutefois, lorsqu’il en vient à l’importance de l’influence américaine sur la conjoncture politique actuelle dans le monde arabe. Le projet de démocratisation du Grand Moyen Orient du Président Bush lui semble avoir constitué une manœuvre dilatoire pour détourner l’attention de l‘échec du processus de paix israélo-arabe. Il élude, totalement, l’aspect opérationnel de cette influence américaine, jugeant, notamment, insignifiante l’action de la constellation d’ONG qui constituent, pourtant, le bras armé la diplomatie. C’est à peine s’il concède que sur les militaires égyptiens l Etas Unis ont pu exercer une influence directe relative. Il souligne, avec une forme de contrariété face à l’insistance, que les peuples arabes se sont rendus à l’évidence, ce sont moins les Etats Unis et le Président Obama qui leur posent problème que leurs propres dirigeants. D’ailleurs, conclut-il, si la conjonction des deux, le potentiel de mobilisation populaire et le support extérieur, peuvent se combiner, c’est, indubitablement, le rapport de forces en situation interne qui reste déterminant. Au demeurant, le Professeur William Quandt recadre bien le contexte de l’analyse en précisant que l’Algérie qui n’est pas un Etat-pivot de la stratégie américaine, ne revêt pas pour les Etats Unis la même importance que l’Egypte ou l’Arabie Saoudite. Peut-être notre éminent académicien est-il là dans son rôle. Ce fut, au total, un moment de grande satisfaction que le déroulement de cet entretien avec le Professeur William Quandt. Je suis envieux pourquoi le cacher ?-du cadre de travail de cet éminent académicien américain et jaloux de la considération que lui témoignent les autorités de son pays. Tous ces facteurs lui permettent de produire des réflexions de haute qualité qui font référence, aux Etats-Unis comme au plan international. C’est à dessein que j’ai cité le cadre de travail du Professeur William Quandt et de l’intérêt que porte à ses travaux l’administration américaine. Par comparaison, comment ne pas déplorer le dédain dans lequel experts et universitaires algériens sont tenus par les pouvoirs publics dans notre pas, les institutions supposées produire de la réflexion stratégique étant elles mêmes condamnées à dormir de leur belle mort. Ce n’est pas là une offre de services comme pourraient l’imaginer des esprits malveillants. Je suis trop regardant à ma liberté et à mon amour propre. Ce n’est pas non plus une digression par rapport à la problématique centrale de cet entretien. Comment imaginer, en effet, une exception algérienne alors que le régime actuel veut se mettre à l’abri du mouvement de l’histoire tandis qu’il confine à une vie dérisoire, marginale, les meilleurs parmi l’élite nationale? Ce régime, croit-il pouvoir affronter le cours inexorable de l’histoire, croit-il pouvoir échapper au sort commun de tous les régimes arabes autoritaristes et obsolescents, en détournant le regard de la foi et l’intelligence qui animent l’élite du pays pour s’arque bouter, sans peur du ridicule, sur «diseuses de bonne aventure» et autres «joueurs de flûte» ?! Dieu, Grand Dieu qui êtes aux cieux, jetez votre voile protecteur sur notre patrie blessée, notre patrie si malmenée …D’ici là, attelons nous, sans trop tarder, à prendre connaissance des réponses concises mais percutantes du Professeur William Quandt. Ces réponses sont les bienvenues car elles agissent comme un signal d’alarme qui nous renvoie à une réalité que nous nous échinons à vouloir méconnaître.
Alger, le 13 mars 2011
Mohamed Chafik Mesbah
Bio-express du ProfesseurWilliam Quandt
Le Professeur William Quandt est né en 1941 à Los Angeles, en Californie. Marié à l’écrivaine Helena Cobban, avec qui il a une fille et deux petits enfants, il vit à Charlottesville, en Virginie. Le Professeur William Quandt a obtenu son BA en Relations Internationales à l'Université de Stanford en 1963 et son doctorat de Sciences Politiques du MIT (Massachusetts Institute of Technology) en 1968. Le Professeur William Quandt qui a travaillé dans le Département de Sciences Humaines de la Rand Corporation de 1968 à 1972 a enseigné, successivement, à l’UCLA de 1970 à 1971, au MIT (Massachusetts Institute of Technology) de 1973 à 1974 et de Maître Assistant en Sciences Politiques à l'Université de Pennsylvanie de 1974 à 1976. Le Professeur William Quandt a rejoint, de nouveau, en 1994, l'Université de Virginie, où il dirige, à ce jour, la chaire Edward R. Stettinius au Département de Politique. Le Professeur William Quandt a bénéficié de nombreuses bourses de recherche, notamment auprès du National Defense Education Act Fellowship, de 1963 à 1965, du Social Science Research Council International Fellowship, de 1966 à 1968 et du Council on Foreign Relations International Affairs Fellowship de 1972 à 1973. À deux reprises, de 1972 à1974 puis de 1977 à 1979, le Professeur William Quandt a été membre du Conseil de Sécurité Nationale et s’est, activement, impliqué dans les négociations qui ont débouché sur, respectivement, les accords de Camp David et le traité de paix égypto-israélien. De 2000 à 2003, le Professeur William Quandt a occupé la charge de Vice Provost for International Affairs à l’Université de Virginie et celle de Senior Fellow au titre du Programme d’Etude des Politiques étrangères au sein de la Brooking Institution ou il a conduit, notamment, une étude sur la politique américaine au Moyen-Orient. Le Professeur William Quandt qui a présidé, de 1987à 1988, the Middle East Studies Association (Association pour les Etudes sur le Moyen-Orient) a été, aussi, membre du Council on Foreign Relations (Conseil de Relations Etrangères), membre du Conseil d'Administration de l'Université Américaine du Caire et de la Foundation for Middle East Peace (Fondation pour la Paix au Moyen-Orient). Elu membre de l'Académie américaine des Arts et des Sciences, en 2004, le Professeur William Quandt a reçu, en 2005, la distinction dite « All-University Teaching Award » de l'Université de Virginie. Le Professeur William Quandt a écrit de nombreux livres ,en particulier, Peace Process: American Diplomacy and the Arab-Israeli Conflict Since 1967, (Brookings, 2005) ; : Between Ballots and Bullets: Algeria's Transition from Authoritarianism, (Brookings,1998); Camp David: Peacemaking and Politics, (Brookings, 1986); Decade of Decisions: American Foreign Policy Toward the Arab-Israeli Conflict, 1967-1976 ; The Middle East: Ten Years After Camp David, (Brookings, 1988) et,enfin, Revolution and Political Leadership: Algeria, 1954-1968, (MIT Press, 1969).
Itinéraire personnel :
Mohamed Chafik Mesbah: Merci, Professeur, d’avoir accepté cet entretien malgré une conjoncture particulière ou il peut être difficile, en effet, pour une personnalité américaine- même impliquée, seulement, dans la recherche académique- de s’exprimer librement…
William Quandt : Je n’ai aucune appréhension à parler ouvertement…
MCM : C’est par choix fortuit ou par vocation que vous avez embrassé la carrière académique ?
WQ : J'ai voulu étudier les affaires internationales et j’ai obtenu mon diplôme de doctorat dans cette discipline au Massachussetts Institute of Technology en 1968. J'ai passé environ la moitié de ma carrière d’enseignant à faire de la recherche universitaire, et l’autre moitié au sein de "think tank". J’ai consacré environ cinq ans de ma vie au service public, au sein de structures gouvernementales.
MCM : C’est, donc, une vocation ? C’est bien par passion pour le métier d’enseignant et celui de chercheur que vous avez emprunté ce chemin professionnel?
WQ : Mes parents étaient, tous deux, des enseignants. Je pense avoir grandi avec l'idée que l'enseignement était important. Je me suis intéressé aux affaires internationales après mon premier voyage au Japon alors que j’étais âgé de 16 ans.
MCM : Comment se présente, en règle générale, aux USA, le parcours d’un universitaire qui se consacre à la recherche dans les sciences politiques et sociales ?
WQ : Ce qui distingue le système universitaire américain, c’est sa flexibilité. J’ai pu passer de l’université aux "think tank" aux structures gouvernementales de manière aisée.
MCM: Comment, vous personnellement, en êtes-vous venu à vous intéresser au Maghreb. C’est un choix accidentel ou un choix émotionnel?
WQ : J’étudiais, en 1960-61, en France lorsque je me suis intéressé à la guerre de libération algérienne. Je suivais les événements quotidiennement. Plusieurs années plus tard, j’ai décidé de retourner en Algérie pour étudier ce qui s’était passé dans ce pays après son indépendance. J’ai passé l’année 1966-67 a Alger pour les recherches nécessaires à ma thèse de doctorat.
MCM : Quelle est, actuellement, la place du Maghreb dans l’enseignement académique au niveau des universités dans la réflexion appliquée au niveau des think thanks ? Quelles sont les principales universités ou think thanks de notoriété qui s’intéressent au Maghreb ?
WQ : L’université du Michigan, UCLA et, dans une certaine mesure, l’université de Virginie, montrent un certain intérêt pour le Maghreb. Il existe une association dénommée IAEM – l’Institut Américain pour les Etudes sur le Maghreb- il existe également de petits centres de recherches américain a Tunis, Oran et Tanger. Au titre des «think tank» connus, il existe Carnegie qui développe le meilleur programme à propos des réformes dans le monde arabe, Maghreb inclus. Le Groupe de Crise International «CRISIS group» est également très bon par sa production.
MCM : Quelle influence exerce l’expertise française sur les recherches académiques américaines ? Quelle importance occupe cette expertise dans le processus de décision officiel aux Etats-Unis ?
WQ : Je dirais que la majorité des experts américains ne sont pas réellement influencés par l’expertise française. Ceux, néanmoins, qui travaillant sur l’Afrique du Nord – un petit nombre- dépendent, grandement, de l’expertise française.
MCM : Il semblerait, cependant, que les Etats Unis veulent, désormais, disposer, à propos du Maghreb, de leur propre expertise …
WQ : Oui, jusqu’a un certain point. Mais la question n’est pas de grande importance. Il est, vraiment, difficile de trouver des fonds de recherche pour travailler au Maghreb. Il y, relativement, peu d’étudiants maghrébins dans les universités américaines. Peu d’étudiants américains, par ailleurs, étudient au Maghreb, à l’exception du Maroc.
MCM : Comment s’imbrique la production intellectuelle des universités et des think thanks dans les processus de prise de décision aux Etats Unis ?
WQ : Parfois cette production produit un certain impact, mais la plupart du temps l’effet reste marginal dans le processus de décision gouvernemental. Mais beaucoup de personnes passent des «think thank» au gouvernement et, en ce sens, ils peuvent exercer une influence directe.
MCM : Pardonnez-moi cette impertinence mais je ne pouvais éluder la question. Est-il exact que les services de renseignement américains s’appuient sur l’expertise des universitaires pour une exploitation optimale des informations accumulées ? Cela peut constituer, en effet, un gage de rigueur méthodologique mais n’y a-t-il pas un risque de confusion des genres ?
WQ : Selon mon expérience, cela n’est pas une chose commune. Cela arrive de temps en temps. Il y a un risque minime de confusion des rôles entre les analystes académiciens et les analystes du renseignement. Je pense qu’il est préférable de maintenir séparées les deux activités.
Le Maghreb, nouvel espace stratégique :
MCM : La situation actuelle au Maghreb ne peut être examinée hors son contexte méditerranéen. A propos de démocratisation justement, dans ce contexte géopolitique méditerranéen, le partenariat euro-méditerranéen entamé par l’Union Européenne à la faveur de la réunion de Barcelone en 1995 était sensé œuvrer à l’émergence des sociétés civiles dans le Sud de la Méditerranée. Cet objectif vous semble avoir été atteint?
WQ : Il n’est pas aisé pour moi de juger de cet aspect. Il existe des éléments de la société civile dans tous les pays du Maghreb. Mais ils semblent, relativement, de faible importance. Ce ne sont pas ces groupes qui on mené la protestation en Tunisie, même s’ils s’y sont ralliés. Les régimes semblent continuer a essayer d’empêcher l’émergence de groupes réellement indépendants et issus de la société civile.
MCM : Toujours dans cet environnement géopolitique, le dialogue méditerranéen initié, en 1994, par l’OTAN, par delà les aspects opérationnels de la coopération militaire, se proposait de contribuer à «civiliser» le positionnement institutionnel de l’armée. C’est un objectif qui vous semble atteint ?
WQ : Je n’ai pas beaucoup d’information, de premier ordre, sur ce sujet. Mais il me semble que la coopération anti-terroriste se met, efficacement, en place. MCM: Les Etats Unis, ont lancé, en 1988, l’initiative Eisenstadt qui visait à la création d’un marché commun maghrébin. Dans ce contexte, l’unité maghrébine est apparue comme une nécessité. Cet objectif vous semble être un préalable pour le développement économique harmonieux des pays concernés ?
WQ : L’unité maghrébine est loin d’être réalisée. Elle est nécessaire, cependant, et elle doit commencer par une amélioration des relations entre l’Algérie et le Maroc. Ce préalable ne semble pas prêt d’être satisfait à moins qu’un accord ne soit conclu à propos du conflit du Sahara Occidental. La politique entrave, en effet, des projets qui pourraient apporter une certaine efficacité économique.
MCM : Le conflit du Sahara Occidental constituerait le principal obstacle à la réalisation de l’unité maghrébine. Ce conflit régional représente une cause majeure de décolonisation ou refléte-t-il, simplement, d’une rivalité accessoire entre l’Algérie et le Maroc ?
WQ : Les origines du conflit sont liées au processus de décolonisation. Ce conflit est aggravé, cependant, par des rivalités entre les régimes des deux pays.
MCM : La zone sahélienne, importante pour le monde occidental, serait appelée à être érigée en «espace-tampon», un mur de protection pour le vieux continent contre les incursions des populations de l’Afrique profonde. C’est là que réside l’intérêt des Etats Unis pour cette région particulière ?
WQ : Je pense que l’Europe a plus intérêt que les Etats Unis à limiter l’immigration. L’intérêt des Etats-Unis semble être, plutôt, d’empêcher l’AQMI de se fortifier.
MCM : Globalement, les Etats-Unis sont-ils en compétition avec l’Union Européenne et, plus particulièrement la France, dans les deux espaces méditerranéen et maghrébin?
WQ : A mon avis, ce n’est pas le cas. Je pense que les Etats Unis acceptent, en règle générale, que l’Europe et la France exercent un rôle majeur dans la région.
Etat des lieux dans les pays du Maghreb :
MCM: Comment les Etats Unis observent-ils les pays du Maghreb ?
WQ : Globalement, le gouvernement américain est satisfait de ses relations avec les pays du Maghreb. Avec le Maroc, les relations son bonnes. Les récents développements en Tunisie ont été accueillis avec beaucoup d’enthousiasme. L’Algérie est toujours une sorte d’énigme, elle semble avoir un énorme potentiel inaccompli, mais, les relations entre Etats américain et algérien sont bonnes.
MCM : Examinons, par exemple, le poids de la croissance démographique dans les pays du Maghreb. S’agit-il d’un handicap ou d’un atout ?
WQ : Un handicap, étant donné le niveau élevé de chômage et l’exode migratoire.
MCM : Finalement, ces pays du Maghrebpris séparément ou ensemble- disposent-ils de ressources naturelles suffisantes pour sortir du sous-développement ?
WQ : Assurément.
MCM : La précarité sociale sévit, de manière plus ou moins marquée, dans chacun des pays du Maghreb. C’est un obstacle infranchissable pour sortir du sous-développement ?
WQ : Si vous accédez à vos droits politiques, vous pouvez régler vos problèmes sociaux.
MCM : Quel est le terreau dont se nourrit, dans les sociétés maghrébines, l’extrémisme politique, tous les extrémismes pas seulement l’extrémisme radical islamiste ?
WQ : La trop grande concentration du pouvoir chez un nombre réduit de personnes avec une corruption ,excessivement, répandue.
MCM : C’est dans la mauvaise gouvernance publique qu’il faut rechercher, par conséquent, les causes de cet état des lieux des plus dégradés ?
WQ : Certainement.
MCM : Vous êtes connu, tout particulièrement, pour vos travaux sur les élites maghrébines. Alors qu’un profond mouvement de transformation des systèmes politiques maghrébins se profile, que diriez-vous de la pertinence du rôle de ces élites aujourd’hui ?
WQ : C’est l’heure du changement, comme nous pouvons le voir en ce moment en Tunisie.
MCM : Ce renouvellement des élites, vous l’envisagez par rapport à l’âge, à la qualification intellectuelle ou à l’efficacité politique ?
WQ : Les trois facteurs, en même temps réunis, ce serait parfait.
MCM : Les processus en cours dans le monde arabe ont mis en relief le rôle déterminant joué par la jeunesse non embrigadée dans les partis classiques, non encadrés par les leaders politiques traditionnels, c’est un enseignement important à méditer?
WQ : La génération «Faceook» a montré une remarquable habilité à pouvoir se mobiliser et à faire descendre les gens dans la rue ; mais pour devenir une réelle force sur le long terme, cette génération doit affronter le défi qui consiste à organiser des partis politiques avec des programmes cohérents. Sinon le régime déchu réussira à diviser cette génération et à incorporer certains de ses représentants sinon d’en marginaliser d’autres.
MCM: Les moyens d’action politique ont changé eux aussi. Le recours aux réseaux sociaux (face book, twitter…), par rapport aux sociétés arabes, c’est, désormais, un fait de civilisation indiscutable, un mode de vie incontournable ou cela aura été un simple effet de mode ?
WQ : Ce qui a clairement changé dans les moyens d’action, c’est la possibilité qui s’offre aux peuples des différentes parties du monde arabe -et au-delà- de suivre, en direct, les événements extérieurs à leur propre pays. Ils sont, forcément, inspirés par ces événements. Quand la situation en Tunisie à explosé, un ami algérien qui était a Dubaï m’a envoyé ce message on ne peut plus symbolique : «aujourd’hui nous sommes tous tunisiens». Il convient de relever qu’«Al Jazeera», sur ce plan, a le même mérite que facebook.
La démocratie, une panacée ?
MCM : Au plan théorique, sous quel angle pourrait-on, envisager la problématique de la démocratisation du Maghreb ?
WQ : Ce n’est pas une panacée mais une garantie contre les régimes autoritaristes comme ceux de Ben Ali et d’El-Kadhafi.
MCM : Attardons-nous sur le lien éventuel entre démocratie et développement économique. Amartya Sen, le prix Nobel d’économie indien, avait estimé, s’appuyant, en particulier, sur le cas de l’Inde, que le système démocratique favorisait le développement économique. Ce lien de causalité vous parait évident ?
WQ : Pas nécessairement. Mais cela à d’autre vertes, et, comme le démontre la Turquie aujourd’hui, les deux peuvent très bien aller ensemble.
MCM : Comme en témoignent, les discours respectifs des Présidents Bush et Obama, la doctrine diplomatique des Etats-Unis stipule, explicitement, que la démocratie constitue le meilleur rempart contre la violence. Ce principe vous semble vérifié ?
WQ : Sur le long terme, oui ce principe est fondé. Mais le processus de démocratisation prend du temps et peut produire un certain niveau de tension sociale. Mais une fois établi, le système démocratique est, relativement, paisible.
MCM : Les contraintes liées au comportement des forces armées et à celui du mouvement islamiste sont évoquées, dans certaines analyses, comme un obstacle potentiel à un éventuel processus de démocratisation. Commençons par le mouvement islamiste, c’est un simple épouvantail brandi par les pouvoirs publics ou une menace sérieuse pour le processus démocratique ?
WQ : Cela dépend beaucoup de la nature du mouvement Islamiste. Ali Belhadj, le leader du FIS, ne croyait pas en la démocratie .Le problème résidait là. Par contre, l’AKP en Turquie a foi en la démocratie et permet de vérifier, que les deux, parti islamiste et démocratie, peuvent coexister.
MCM : Dans le même esprit, quid du statut et du rôle de l’institution militaire ? La propension des militaires à vouloir s’ingérer dans la vie politique vous parait une donnée persistante ou une réalité dépassée?
WQ : Le rôle des militaires peut constituer un grave problème. Habitués à dominer la scène politique en en tirant dividendes économiques, il ne sera pas aisé de les pousser dehors comme nous avons à le voir en Egypte.
MCM: Les Etats Unis seraient intéressées à favoriser un processus politique ou le mouvement islamiste et l’armée, cote à cote, constitueraient le socle d’un processus démocratique pragmatique et assimilable par les sociétés concernées. Une démarche inspirée par le modèle turc. Cela vous parait une approche vérifiée ?
WQ : C’est un modèle possible, pas l’unique modèle. Si les laïcs était mieux encadrés et mieux organisés, ils pourraient jouer un rôle national majeur.
La politique américaine face aux défis de la démocratisation dans les pays du Maghreb :
MCM: L’annonce, en 2003, du projet de démocratisation du monde arabe "Great Middle East Initiative" -étendu, aussitôt, à l’Afrique du Nord- a constitué, de toute évidence, un tournant dans la politique étrangère américaine. Brièvement, quels sont les fondements théoriques et pratiques de cette initiative ?
WQ : Un questionnement sans importance. C’est, pour l’essentiel, un effet de propagande destiné à détourner l’attention de l’impasse arabo-israélienne.
MCM: Le discours du Caire que le Président Obama a prononcé en 2009 semble être, pourtant, une reprise, en plus adapté, du projet républicain (the "Great Middle East Initiative") …
WQ : Le but principal du discours du Caire était de présenter une nouvelle image sur la manière dont les Etats Unis s’engageaient vis-à-vis du monde arabe et musulman, un engagement basé sur «les intérêts communs et le respect mutuel». Un engagement envisagé en termes diplomatiques pas militaires. Le principe est de procurer un support aux reformes, mais sans intervention extérieure directe sur le processus. L’objectif pour le Président Obama consistait à délivrer un message pour signifier une nouvelle attitude après celle connue durant les années Bush. J’étais a Damas quand le Président Obama a prononcé son discours ; j’avais rencontré, alors, un ami syrien et des officiels du Hamas qui m’avaient, tous, affirmé : «ce sont de bons mots mais nous attendrons de voir ce qu’il en adviendra». ils attendent toujours, me semble-t-il…
MCM: Il est remarquable que les Etats Unis, habituellement, vilipendés par l’opinion publique arabe en des moments d’intense émotion comme ceux que vit la région soient ainsi épargnés. C’est le résultat de l’mage personnelle du Président Obama -noir, ayant une ascendance musulmane-ou le résultat d’une adaptation de la politique américaine ?
WQ : Je pense que beaucoup de personnes dans le monde arabe restent frustrés par rapport à la politique américaine en général et par rapport a Obama lui-même. Mais ils ont compris que leur problème principal , aujourd’hui, n’est pas en Amérique mais, plutôt, au niveau de leurs propres dirigeants.
MCM: Quels sont les objectifs cachés, je dis bien cachés, de cette politique volontariste des Etats-Unis ? Par delà la démocratisation, quels objectifs visent-ils en rapport avec leurs intérêts stratégiques ?
WQ : Si les objectifs sont cachés, je n’en sais donc rien. Il peut effectivement y avoir des tensions entre intérêts stratégiques et démocratie, comme au Bahreïn et en Arabie Saoudite. Mais, ailleurs, en Tunisie, et en Egypte, c’est au vrai sens que la démocratie apportera aux deux peuples des améliorations-substantielles.
MCM : Les Etats-Unis disposeraient d’un modèle théorique qu’ils appliqueraient, chaque fois que de besoin, pour faire déloger les dictateurs. Un modèle déjà expérimenté avec succès en Serbie, en Géorgie et en Ukraine et qui reposerait sur un bréviaire, le livre détonnant de Gene Sharpe, "From dictatorship to democracy". Quel crédit accorder à cette version des faits?
WQ : C’est, vraiment, sans importance.
MCM: Vous voulez dire que c’est la volonté des peuples qui façonne l’histoire nationale, pas les interférences étrangères ?
WQ : Les deux, influence étrangère et volonté populaire, sont importants. Mais je suis frappé par la propensions des régimes impopulaires, comme ceux de Moubarak, de Ben Ali et d’El Kadhafi à blâmer les interventions étrangères dans les troubles intervenus, alors que le vrai problème c’est qu’ils ont perdu le soutien de leurs peuples.
MCM: Quels rapports entretiennent avec les instances officielles américaines, la constellation d’organisations non gouvernementales qui évoluent dans le sillage de ce projet de démocratisation de l’univers du monde ? C’est, comme il est souvent affirmé, le bras armé de la diplomatie américaine ?
WQ : un rôle infime.
MCM: Rappelez- vous, cependant, que c’est en s’inspirant de ce modèle de «Révolution pacifique» et en s’appuyant sur la constellation d’ONG évoluant autour de la problématique de la démocratie, que les Etats Unis ont joué un rôle essentiel dans la destitution du dictateur serbe Milosevic. L’opinion publique arabe n’en croira pas un mot si vous voulez affirmer que les Etats Unis suivent en spectateurs les processus politiques en cours au Maghreb…
WQ : Je ne dis pas qu’il n’y a aucun intérêt pour les Etats Unis par rapport aux processus qui se déroulent, mais je ne pense pas que les Etats Unis soient en train de jouer un rôle majeur. En Egypte, l’implication a été plus significative particulièrement avec les militaires Egyptiens sur lesquels les Américains disposaient, dans une certaine mesure, d’une influence directe.
MCM: Quels enseignements tirer des récents processus démocratiques de Tunisie et d’Egypte. Faut-il s’attendre, pour tout le monde arabe, à un rapide «effet domino» ?
WQ : Une question bien trop vaste pour qu’il y soit répondu brièvement. J’espère que la Lybie suivra, et il pourrait y avoir des pressions pour des reformes ailleurs. Le message délivré par les précédents tunisien et égyptien c’est que les peuples en ont marre de la mauvaise gouvernance !
MCM : La situation en Libye semble, néanmoins, évoluer, différemment, des scénarios tunisien et égyptien. Cela tient plus aux particularités de la société libyenne ou à la nature du régime libyen que personnalise Mouammar El Kadhafi ?
WQ : Société différente, leader différent et rentes pétrolières…
MCM: Avec ce souffle démocratique puissant qui, l’un après l’autre, fait tomber les dictateurs arabes, quelle sera, demain, la physionomie géopolitique de cette région du monde ? Quelles incidences sur la paix et la sécurité dans le monde ?
WQ : Question trop large, qui fait appel à trop de spéculation. Il n’en reste pas moins, tout compte fait, que la région du Maghreb et le monde gagneront à l’enracinement de la démocratie au Moyen Orient.
MCM: Les changements substantiels qui affectent les régimes du monde arabe ne vont-ils pas contraindre Israël à revoir sa doctrine de sécurité pour s'adapter à ce nouveau contexte qui peut autant faciliter que compromettre la paix ?
WQ : Face aux changements spectaculaires qui se se déroulent autour d’Israël, les leaders de ce pays semblent paralysés. Cela pourra changer avec le temps, mais les divisions internes au sein de la classe politique israélienne, la faiblesse du «camp pour la paix» dans ce pays et la faiblesse de Netanyahu dans son leadership ne semblent pas indiquer qu’il existe, pour le moment, plus de chance pour l’émergence d’une «nouvelle pensée» en Israël.
MCM: Dans ce sillage, faut-il partager l'avis selon lequel les processus politiques en cours dans le monde arabe ont, d'ores et déjà, disqualifié autant l'islamisme radical que le nationalisme émotionnel ,deux principales causes d'inquiétude pour Israël ?
WQ : Je pense qu’il est trop tôt pour tirer des conclusions. Une Egypte plus démocratique sera moins encline à coopérer avec Israël réprimant les Palestiniens. Une Egypte ou les frères musulmans gagneraient plus de voix soutiendra, probablement, plus Hamas. Israël a des raisons pour s’inquiéter même si elle reste, militairement, plus forte par rapport à n’importe quelle combinaison de forces, alentour. Peut être que le bon sens prévaudra et Israël réalisera que le moment est venu pour faire une offre généreuse à la fois pour la Syrie et pour les Palestiniens. Mais j’en doute.
A propos du cas particulier de l’Algérie :
MCM : Dans le cas particulier de l’Algérie, voilà un pays, dirions-nous, qui dispose de richesses naturelles exceptionnelles et d’un potentiel humain de qualité, même d’un positionnement géographique des plus favorables. Comment expliquer que le pays ne décolle pas?
WQ : Mauvaise gouvernance, corruption, système d’éducation médiocre.
MCM : Vous ne trouvez pas que c’est là un jugement sévère, presque sans appel…
WQ : Non, toutes ces choses peuvent changer. Pour faire avancer les choses, l’Algérie dispose des ressources matérielles nécessaires et du capital humain indispensable. Mais il y a, tellement, eu de gaspillage. Un ami égyptien ayant une grande expérience de l’Algérie m’a affirmé, tout récemment : «il faut vraiment travailler dur pour gâcher les choses dans un pays comme l’Algérie qui a tellement de potentiel !» il y a quelque vérité dans cette observation de bon sens.
MCM : Par rapport aux intérêts stratégiques des Etats-Unis, quelle importance peut revêtir l’avenir de l’Algérie ?
WQ : Un pays important, mais pas parmi les plus importants qui restent, pour les Etat Unis, l’Egypte, Israël, l’Arabie Saoudite, la Turquie et l’Iran…
MCM : L’opinion publique en Algérie n’est pas loin de considérer que les Etats Unis pour des considérations d’intérêt stratégique se montrent plutôt complaisants avec les autorités du pays. Assurément, le ton, au moins, est moins sévère que celui utilisé avec Les anciens Présidents Ben Ali et Moubarak. Comment comprendre cette inflexion -qui peut être, en effet, purement tactique- dans la démarche des Etats Unis?
WQ : Vous avez raison d’affirmer que les Etats Unis n’ont pas autant mis l’accent sur les manquements des leaders algériens par rapport à leurs mises en garde dans les de Ben Ali et de Moubarak. Je pense qu’il existe plusieurs raisons à cela. Premièrement, le peuple algérien n’a pas encore manifesté son mécontentement de manière claire ; deuxièmement, il existe des soupapes de sécurité en Algérie – telle la presse qui favorisent l’expression du mécontentement, à l’opposé, par exemple, de la Tunisie sous Ben Ali ; troisièmement, le président Bouteflika garde un certain crédit pour avoir clos le «chapitre noir» des années 90. Enfin, derrière le président en Algérie il existe «le pouvoir», il n’est pas aisé de concentrer les tirs sur une seule personne comme en Egypte, en Tunisie ou en Libye.
MCM: L’Algérie, d’importance secondaire, n’a pas vocation, donc, à être un «Etat-pivot» dans la stratégie américaine ?
WQ : Par le passé, ayant eu à écrire un article sur l’Algérie «Etatpivot » d’un point de vue américain, j’avais conclu que l’Algérie n’était pas comparable aux autres pays classés dans la liste des «Etats pivots» comme l’Inde, le Pakistan, le Brésil, l’Egypte, la Turquie et l’Iran. Bien évidement l’Algérie est un pays important, mais les Etats Unis ne le traitent pas comme un allié. A quand remonte la dernière visite du président Bouteflika à Washington DC ? Au début des années Bush si j’ai bonne mémoire. J’imagine aisément le président Obama visiter le Maroc et la Tunisie avant qu’il ne s’arrête en l’Algérie. J’aurais aimé que les deux nations américaine et algérienne soient plus proches, mais elles ne le sont pas.
MCM : Par rapport à trois questions essentielles, le règlement du conflit du Sahara Occidental, la normalisation des rapports avec Israël et la définition d’un statut juridique des hydrocarbures, avantageux pour les compagnies pétrolières américaines, la démarche de l’Algérie, sous la présidence de M. Abdelaziz Bouteflika, a-t-elle été favorable aux intérêts américains?
WQ : La meilleure chose qu'il ait faite c’est bien d’avoir clos l’ère de la violence interne.
MCM: Vous pensez, vraiment, que le spectre de la violence est dépassé en Algérie ?
WQ : Je suis sur que les gens sont toujours inquiets du retour éventuel de la violence politique. La situation actuelle semble nettement meilleure par rapport à celle qui prévalait au milieu des années 90.Lorsque je visitais, en ce temps, l’Algérie j’étais accompagné de gardes armés. Lors de ma dernière visite qui remonte à 2007, j’avais senti que j’étais dans un pays quasiment normal. Quel progrès…
MCM : La gestion algérienne du phénomène islamiste, précisément, vous parait avoir été une expérience probante ?
WQ : Les circonstances en Algérie sont très particulières, il n’est pas certain que ce soit un cas d’école. Rétrospectivement, la décennie des années 90 semble constituer une énorme tragédie avec une perte incommensurable de vies humaines et de ressources.
MCM: Et que diriez vous du rôle joué par l’institution militaire depuis la révolte populaire du 5 octobre 1988?
WQ : L’institution militaire a joui de trop de pouvoir pendant trop longtemps…
MCM: L’Algérie souffre d’un manque chronique, le vide politique illustré par l’absence d’élite politique efficiente. La responsabilité en revient aux obstructions posées par un régime on ne peut plus autoritariste ou à la démission des acteurs politiques et sociaux eux-mêmes ?
WQ : C’est le régime avec les dividendes qu’il collecte de la rente pétrolière qui est devenu le problème.
MCM : Au regard de l’état des lieux en Algérie, sous-développement structurel mais réserves financières imposantes, vous diriez que l’Algérie, dans le contexte arabe actuel, est à l’abri d’un «effet domino» ? Vous pensez qu’il pourrait se vérifier une exception algérienne ?
WQ : Je ne suis pas si sure qu’il y ait une exception algérienne. Cela dépendra énormément de la manière dont se déroulera la succession du Président Bouteflika. Selon qu’elle sera, strictement, contrôlée par les militaires, selon qu’elle s’accompagne de divisions ou selon qu’elle donne lieu à une compétition sincère. Autrement, toutes les frustrations qui existaient en Tunisie et en Egypte sont présentes en Algérie.
MCM : A court et moyen terme, quel serait votre pronostic sur l’évolution de la situation en Algérie ?
WQ : Un changement lent concernant pour le futur immédiat, mais la possibilité d’un changement plus rapide pour la période post-Bouteflika. Il y a un facteur favorisant pour un changement générationnel dans le leadership algérien au sein duquel l’âge moyen des dirigeants est très avancé, majoritairement autour de 70 ans. Donc le pouvoir pourra passer, éventuellement, à une nouvelle génération de dirigeants qu’il faut espérer seront plus éclairées que leurs prédécesseurs.
MCM : Merci beaucoup Professeur d’avoir consacré à l’opinion publique de mon pays de votre temps précieux…
WQ : Je vous en prie. Transmettez, je vous prie, tous mes meilleurs sentiments à vos lecteurs, les sentiments d’un ami de longue date de l’Algérie.
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