samedi 5 mars 2011

Actualités : MARCHE DE LA CNCD EL-MADANIA said sadi agressé par les batarglias



El-Madania (ex-Salembier). Les premiers rayons d’un soleil capricieux commençaient à peine à darder que la placette voit se former une timide grappe de baltaguis. Des jeunes désœuvrés qui, ce samedi, se sont exceptionnellement réveillés aux premières aurores pour accomplir une sombre perspective : casser du manifestant.
Sofiane Aït-Iflis - Alger (Le Soir) - Leur excitation était telle que l’on se demande si ceux qui se sont mis à cette basse et dangereuse manipulation n’ont pas été exceptionnellement généreux. Il faut avoir la patte bien graissée pour rager contre des Algériens qui militent pacifiquement pour le droit de marcher dans une ville d’Algérie, en l’espèce Alger, la capitale. Il faut avoir été assuré de l’impunité pour déambuler couteaux et autres armes blanches à la main au milieu de tant d’uniformes de policiers. Le pire était prévisible, attendu. Il a failli se produire n’était la bravoure de jeunes militants du RCD qui firent bouclier autour de Saïd Sadi, cible de baltaguis qui ont osé attenter à son intégrité physique, à sa vie, sous le regard impassible des policiers. C’était peu avant 11 heures, horaire prévu pour l’ébranlement de la marche à laquelle a appelé la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD). En citoyen, Saïd Sadi, sans sa garde rapprochée, dont on apprendra qu’il s’est séparé, était arrivé pour participer à la marche pacifique qui devait prendre élan de la placette de Salembier jusqu’au boulevard des Martyrs, siège de l’Entreprise nationale de télévision. Il n’aura pas le temps d’atteindre la placette que les baltaguis, qui se trouvaient en haut en niveau de la placette, certainement avertis de son arrivée, se sont rués pour le lyncher. Les forces de police, déployées en grand nombre, laissent faire. Le président a dû son salut à quelques braves jeunes gens qui ont accouru pour dresser un bouclier autour de sa personne. Il est néanmoins blessé à la main en parant un coup de couteau asséné par un baltagui. En d’autres temps et en d’autres circonstances, cela s’appelle tentative de meurtre avec préméditation. Mais, hier, la loi a cédé la place au gangstérisme. Passe sur les invectives bassement racistes du genre «sale Kabyle», «juif», les billets de banque ont fait proférer à des jeunes dont le pouvoir exploite l’inconscience. «Alors que j’étais à 150 mètres de la place d’où devait s’ébranler la marche de la CNCD, les policiers ont signalé mon arrivée par talkies walkies», a déclaré Saïd Sadi. Ajoutant : «Il est arrivé, disaient-ils.» En effet, peu avant 11 heures, alors que les baltaguis, regroupés au niveau de la placette de Salembier, scandaient des slogans propouvoir et pro-Bouteflika, une ruée vers le contrebas s’est subitement ébranlée. L’information que Saïd Sadi était arrivé a été certainement transmise à ces jeunes dont la police encadrait et sécurisait la transe. Saïd Sadi n’aura pas le temps de faire quelques pas qu’une horde de baltaguis se rue vers lui et l’encercle, certains tellement excités qu’ils voulaient franchement verser du sang. «A peine descendu de ma voiture, un groupe de personnes m’a encerclé, environ une quarantaine, proférant des insultes à mon endroit. Ce sont les policiers qui les ont rameutés vers moi. Je les entendais crier “dégage, sale Kabyle”, “sale juif” et “à mort Saïd sadi”. Les policiers m’ont livré aux baltaguis en faisant bouclier autour de moi pour me livrer», a témoigné Sadi, poursuivant «dans la cohue, un jeune tente de m’asséner un coup de couteau. Je lève mon bras gauche pour le parer et la lame de son couteau me blesse légèrement aux doigts.» Pendant que s’opérait cette tentative de meurtre, les policiers observaient. Un jeune portant la balafre visible sur le haut de la paupière dit avoir été touché par un objet contondant alors qu’il s’est jeté pour parer un coup visant Saïd Sadi. De son côté, Arezki Aider, député du RCD témoigne : «Outre les jeunes qu’on a payés pour nous lyncher, il y a aussi des policiers en civil qui incitaient à ces expéditions visant à casser du manifestant. Ce sont les mêmes qu’on retrouve à chacune des marches de la Coordination.» Le député n’avait pas fini de témoigner de l’apocalypse vécu que quelqu’un l’apostrophe pour l’informer qu’un jeune militant du RCD venait d’être embarqué par la police. Relâché, ce jeune a affirmé qu’ils lui ont subtilisé son appareil photo numérique. Le président du RCD, face à cette opération de lynchage ordonnée, a dû regagner sa voiture, non sans peine. Des hordes de voyous se sont attaquées à coups de pierres et de projectiles à sa voiture, sur le long du chemin qui l’a mené du lieu de démarrage à la bifurcation qui l’a éloigné de la placette. La voiture a été saccagée, sous le regard impavide des policiers. Pour Saïd Sadi, ce qui s’est passé à Salembier est un «acte politique très grave». Une fois Saïd Sadi parti, les policiers, aux mines décontractées, remontaient la placette où les baltaguis étaient encore à se rassembler. Celui qui devait être leur supérieur leur intimait, à voix suffisamment audible, d’aller molo avec eux. Autrement dit, se faire toute gentillesse lorsqu’il faudra demander leur dispersion. Ce qui fut d’ailleurs.
C’est qui le baltagui ?

En Égypte, ils étaient venus à cheval et à dos de chameaux s’attaquer aux jeunes révoltés qui occupaient place Tahrir. Parmi eux, ils comptent aussi bien des adeptes de Moubarak que des policiers les «moukhabarat » à l’accoutrement civil. Ceux qui avaient la malchance de tomber entre les mains des révolutionnaires égyptiens ont été démasqués. On en était pas loin de ce schéma, hier, placette de Salembier, dromadaires et chevaux en moins. Le député RCD Arezki Aider affirme qu’en tête des «baltaguis se trouvent des policiers en civil qu’il reconnaît ». Mais pour le reste, des jeunes qu’on recrute pour dresser la barricade devant une marche pacifique. La réponse nous vient de ce cafetier de la placette qui, même s’il suit la manifestation derrière son comptoir, ne trouve pas d’inconvénient à ce qu’un baltagui se l’amène portant un portrait grand format de Bouteflika pour se mettre derrière le comptoir et, accroupi, se saisit d’un marqueur à encre bleue et trace ces lignes : «Nous ne sommes pas des Égyptiens, ni des Tunisiens encore moins des Libyens.» Le baltagui ressort avec sa banderole déployée et le tenancier de l’estaminet, sourire aux lèvres, s’adresse à une connaissance accoudée au comptoir : «Tu vois qui mène le bal ? C’est S. qui tantôt mène campagne pour le FLN, tantôt pour le RND et tantôt pour Bouteflika.» S. a visiblement une «réputation» bien faite à Salembier. L’homme accoudé au comptoir jette un regard circulaire et réplique, décidé à engager la conversation : «En fait, son frère vient juste d’être incarcéré.» Le tenancier du café maure acquiesce et part d’un rire qui se veut moqueur de cette république qui s’accoude sur les plus vulnérables pour s’éviter d’affronter loyalement les plus conscients d’entre les citoyens.
S. A. I.

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